Le leader européen des services informatiques vient de relever ses objectifs annuels à l’issue d’un premier semestre très dynamique. Aux commandes de Capgemini depuis mai 2020, son dirigeant, Aiman Ezzat, fait le point sur sa stratégie à l'occasion d'un entretien exclusif accordé au Revenu.
Âgé de 60 ans, Aiman Ezzat est titulaire d’un master en sciences d’ingénierie chimique et d’un MBA. Il a plus de vingt ans de carrière chez Capgemini, où il a exercé de 1991 à 2000 et depuis 2004. Il a été directeur financier de 2012 à 2018. Nommé directeur général délégué début 2018, il devient DG en mai 2020, succédant alors à Paul Hermelin, qui reste président.
Vous venez de relever vos objectifs annuels, anticipant désormais une croissance des ventes de 12 à 13% à changes constants. Comment expliquer la capacité renforcée du groupe à rebondir après la crise sanitaire ?
Aiman Ezzat : Nous constatons sur le marché une accélération structurelle de la demande de technologies. Et, comme nous sommes positionnés sur les segments où la demande est présente, nous dégageons une croissance supérieure à d’autres acteurs du secteur.
Nos deux piliers stratégiques sont les données et le cloud computing [ndlr : informatique accessible à distance au travers de centres de données éloignés]. Ce sont actuellement deux gros moteurs de croissance pour les investissements technologiques. Sur notre périmètre historique, qui pèse plus de 80% du chiffre d’affaires (excluant l’ingénierie), le digital et le cloud ont représenté les deux tiers de nos revenus au premier semestre. Nous avons donc fait les bons choix depuis plusieurs années.
Nous profitons, en outre, du dynamisme de certains marchés comme la gestion digitale de la relation client, d’un regain marqué des projets d’intégration de progiciels de gestion de type SAP et, plus récemment, de l’attraction de nos offres autour de l’industrie intelligente. Tous nos métiers – stratégie et transformation, applications et technologies, opérations et ingénierie – repartent aujourd’hui très fort.
La crise sanitaire a créé un sentiment d’urgence de nos clients en accélérant fortement la bascule vers le cloud. Certaines entreprises ont compris que leur transformation numérique ne pouvait pas avoir lieu s’ils n’étaient pas dans le cloud, qui leur apporte flexibilité, efficacité de coûts et passage à l’échelle.
Leviers sur la rentabilité
Vous visez une marge opérationnelle de 14% en 2025, contre 11,9% l’an dernier et un objectif de 12,5 à 12,7% cette année. Quels sont les leviers pour améliorer la rentabilité ?
Aiman Ezzat : L’un des leviers concerne notre portefeuille d’offres innovantes, plus rentables, et leur niveau de maturité. Le fait de passer à l’échelle permet d’améliorer nos marges, avec des projets en plus grand volume et répétitifs qui permettent une pleine exploitation de nos compétences et améliorent notre courbe d’expérience.
Par ailleurs, nous allons bénéficier d’un déploiement plus efficace de nos ressources humaines. L’un des marqueurs du nouveau monde post-crise est la capacité à faire travailler davantage nos collaborateurs à distance sur les projets, avec l’acceptation accrue de nos clients et de nos chefs d’équipe. Cela change la donne car nous pouvons désormais déployer nos talents sur n’importe quel projet, par exemple un ingénieur de Nantes travaillant sur un projet à Lille.
Au sein de Capgemini, 85% des salariés sont aujourd’hui en télétravail, une proportion qui devrait redescendre entre 40 et 60%. Avant la crise, cette part n’était que de 10 à 15%. Enfin, les synergies du rapprochement avec Altran ont commencé à bien se matérialiser au premier semestre.
L’an dernier, vous avez racheté Altran, leader mondial de la R&D externalisée, pour 5 milliards d’euros (dette incluse). Cette acquisition majeure délivre-t-elle toutes ses promesses ?
Aiman Ezzat : Ce rachat fait plus que tenir ses promesses. Tout d’abord, l’intégration s’est extrêmement bien déroulée du fait de l’adhésion des équipes à notre projet. C’est une opération de taille, avec 50.000 salariés présents dans plus de vingt pays et des équipes issues d’acquisitions multiples menées auparavant par Altran. Nous avons aussi tenu le choc face à la crise, en particulier dans l’aéronautique et l’automobile. Cela n’était pas gagné, mais nous avons réussi.
L’acquisition d’Altran s’appuie sur une vision stratégique créatrice de valeur, qui se base sur la convergence entre monde digital et monde physique. Bientôt, 60% du coût de développement d’une voiture va ainsi provenir du logiciel. Pour cela, nous avons besoin de compétences combinées en ingénierie et en informatique. Ce qui nous donne aujourd’hui une position unique sur le marché, c’est d’avoir aussi bien la compréhension du monde physique, à travers l’ingénierie, que celle du monde digital, et de marier les deux expertises.
Le but est de répondre aux nouveaux besoins de nos clients avec de nouvelles offres d’industrie intelligente, notamment sous la récente marque Capgemini Engineering.
Celle-ci était nécessaire pour être un acteur bien identifié sur le marché, notamment pour le recrutement des talents dans un contexte actuel de tensions sur les ressources. À ce jour, nous avons vendu plus de 300 projets combinés et en avons plus d’un millier en prospection. En fin d’année, nous ferons un point d’étape sur le chiffrage des synergies de revenus, qui vont plus vite que ce que l’on pensait.
Ambitions en Asie-Pacifique
Quels sont vos ambitions en Australie, où quatre acquisitions ont été réalisées en dix-huit mois ? Quelle est votre politique de croissance externe ?
Aiman Ezzat : L’Australie est l’un des dix premiers marchés mondiaux dans les services informatiques. Nous avons saisi les quelques opportunités d’acquisitions de sociétés cotées qui existaient sur ce marché intéressant pour nous. L’objectif était de nous donner une taille suffisante en Australie, où nous nous positionnons désormais parmi les leaders.
En Asie, nous avons aussi des ambitions au Japon, un autre très beau marché – le deuxième au niveau mondial –, où la valeur des services externes est suffisante pour avoir des prix décents.
Nous y sommes en très forte croissance profitable, même si notre filiale est petite. Plus largement, les acquisitions nous permettent de compléter et d’accélérer notre croissance interne dans nos différents métiers et débouchés sectoriels. Sur un marché en forte croissance, nous n’avons pas intérêt à nous disperser en réalisant une grosse acquisition dans le seul but de réduire les coûts.
Propos recueillis par Philippe Benhamou
L’essentiel sur Capgemini et notre conseil boursier sur l'action
Fondé en 1967 par Serge Kampf (disparu en 2016), Capgemini est le numéro un européen des services informatiques et compte 290 000 salariés, dont 56% dans les pays à bas coûts, principalement l’Inde.
En 2020, le groupe a dégagé un chiffre d’affaires de 15,8 milliards d’euros et une marge opérationnelle de 11,9%. Au 30 juin 2021, sa dette nette s'élève à 4,8 milliards.
Conservez l'action Capgemini [CAP]. Objectif de cours : 195 euros.
Profil d'investissement : dynamique.
Prochain rendez-vous : chiffre d’affaires du 3e trimestre, le 28 octobre.
«Capgemini est positionné sur les segments où la demande de technologies s'accélère» - Le Revenu
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