LA TRIBUNE- Quel regard portez-vous sur la reprise économique en France ?
PIERRE GOGUET- C'est une reprise dynamique qui semble s'inscrire dans une relance globale. La plupart des pays européens suivent la même trajectoire. Elle récompense une stratégie mise en place par le gouvernement de soutien à l'économie et aux entreprises durant cette crise. Les entreprises ont pu garder leur capacité à faire face. Certaines difficultés apparaissent néanmoins.
Comment les entreprises appréhendent-elles la fin des aides ?
Il faut faire des distinctions. Certains secteurs sont vraiment sortis la tête de l'eau et ont des perspectives favorables. Pour ces entreprises, la fin des aides ne leur posera a priori pas de problème. Il faut néanmoins rappeler que les remboursements des PGE durant l'année 2021 seront beaucoup plus importants que prévu. Les entreprises qui se portent bien ont de la trésorerie et utilisent ces prêts pour se désendetter mais aussi pour investir, surtout s'il y a des aides au niveau du plan de relance.
En revanche, d'autres secteurs ne sont pas sortis de la crise. Il s'agit par exemple du transport aérien, du tourisme. Certains secteurs sont touchés par le pass sanitaire. L'autre sujet préoccupant est la situation des jeunes. L'année dernière, plus de 500.000 jeunes ont été embauchés en apprentissage mais le plan de financement du gouvernement qui a facilité ces embauches devrait normalement s'arrêter à la fin de l'année. Le gouvernement doit proroger les aides actuellement en place pour que les jeunes continuent de profiter de cette embellie. L'apprentissage doit être une voie de promotion sociale.
Comment envisager au mieux le débranchement des aides ?
Il ne faut pas arrêter les aides d'un coup et être sélectif. Ce serait contreproductif. Dans le même temps, certaines entreprises se portent mieux. Les résultats 2020 de certains grands groupes sont au rendez vous grâce aux mesures comme le chômage partiel qui ont permis cette résilience de l'économie. Il reste à gérer les problèmes de dépendance de certaines filières d'approvisionnement.
Les difficultés de recrutement vont-elles représenter un frein à la reprise économique ?
Pour certains secteurs, je pense que ces difficultés vont effectivement représenter un frein. Dans la restauration et l'hôtellerie par exemple, plusieurs établissements ont signalé qu'ils ne pouvaient pas accueillir tous les clients parce qu'ils n'ont pas les capacités de les recevoir correctement. Certains restaurants manquent de collaborateurs. Beaucoup ne sont pas revenus. C'est également le cas dans le bâtiment. Il y a toute une nouvelle cohorte de jeunes qu'il va falloir former à ces professions. La main d'œuvre saisonnière n'a pas été au rendez-vous. Cette pénurie touche beaucoup de métiers.
Quels sont les secteurs frappés par les problèmes d'approvisionnement ?
Plusieurs secteurs comme l'automobile nous ont fait part de difficultés d'approvisionnement. Dans le bâtiment, ces obstacles sont également exprimés notamment dans le bois. Nos scieries n'ont plus assez de bois pour fournir la filière construction. Ces difficultés nécessitent une analyse stratégique à la fois territoriale et par filière. Il s'agit de voir comment les entreprises peuvent diversifier leurs approvisionnements, voire comment la France ou l'Europe peut rapatrier certaines activités. La relance accroît la compétition entre les opérateurs.
Il existe également des risques sur l'inflation. Le coût du fret pourrait avoir des répercussions sur les prix. Un conteneur sur l'Asie coûte dix fois plus cher qu'avant la pandémie. Cette hausse va se répercuter au moins sur les coûts de fabrication dans un premier temps et sur les prix à la consommation dans un second temps. A ce stade, il semble que les prix à la consommation ne soient pas touchés mais il existe un risque.
Emmanuel Macron doit annoncer dans les prochains jours un plan d'investissement destiné à dessiner la France de 2030. Qu'en attendez-vous ?
J'attends des annonces notamment sur les relocalisations. Il faut un volontarisme sur certaines filières pour implanter des usines et des centres de fabrication dans nos territoires. Il faut des usines pour les technologies de demain. L'avenir de nos enfants se joue aujourd'hui dans les choix industriels et technologiques. Je suis préoccupé par les niveaux d'investissement nécessaires dans certaines filières comme les composants électroniques. Il va falloir faire jouer au maximum l'effet levier. La politique du président Macron favorable à l'attractivité de la France a permis d'attirer des investisseurs étrangers même pendant la pandémie. Les industriels étrangers voient la France comme un pays d'investissement. Il faut l'encourager et continuer cette politique incitative.
Notre atout reste néanmoins la formation des jeunes. Il faut être vigilant à ce que le niveau ne s'érode pas. Il faut prendre en compte les problèmes environnementaux et climatiques. La France ne peut pas faire l'impasse sur cette grille de lecture indispensable à la compétitivité de notre économie à terme.
« Il faut des usines pour les technologies de demain » Pierre Goguet, CCI France - La Tribune
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