Sollum Technologies a développé un système d’éclairage aux diodes électroluminescentes (DEL) intelligent et programmable qui imite, en serre, les rayons du soleil de partout sur la planète. (Photo: courtoisie)
La transition écologique du secteur industriel passe par l’innovation. Au Québec, des dizaines de technologies vertes sont actuellement développées dans les centres de recherche et les PME. En voici trois exemples.
Oxyder les eaux usées
Nettoyer les eaux usées sans produit chimique ? C’est ce que permet l’oxydation hydrothermale, une technologie utilisée en Europe tout comme en Asie et étudiée dans les laboratoires du Centre de transfert technologique en écologie industrielle (CTTEI) depuis 2014. Ce procédé utilise les propriétés de l’eau à haute température et à haute pression pour traiter les effluents. « Habituellement, il faut ajouter des produits chimiques pour traiter l’eau, comme du chlore. Dans ce cas, il suffit de soumettre le fluide à une haute pression en présence d’oxygène et la magie opère », illustre Claude Maheux-Picard, directrice générale du CTTEI, situé à Sorel-Tracy.
Méconnue ici, l’oxydation hydrothermale permet de décomposer les polluants tout en produisant de l’énergie, précise-t-elle. « Beaucoup d’effluents industriels que nous pouvons traiter avec ce procédé sont actuellement envoyés à l’incinération à l’extérieur du Québec. Cette technologie vient donc combler un besoin. » En plus d’éviter les déplacements par camion-citerne pour nettoyer les rejets, cette solution ne génère aucune combustion.
Le CTTEI a d’ailleurs lancé en novembre dernier un laboratoire pilote afin de tester l’oxydation hydrothermale à plus grande échelle. Une première au Canada qui suscite déjà l’intérêt, alors que des projets-pilotes sont en développement avec la Ville de Sorel-Tracy, mais aussi avec la papetière Cascades. Le Centre travaille également avec trois hôpitaux de la Montérégie pour nettoyer leurs eaux usées des traces de médicaments avant de les rejeter dans les égouts, annonce Claude Maheux-Picard. Autant de pistes à explorer avec cette technologie propre.
Reproduire les rayons solaires en serre
Recréer la lumière d’un après-midi d’été à l’île d’Orléans pour faire pousser des fraises ou les rayons de la Toscane pour vivifier ses tomates. Voici ce que propose Sollum Technologies, une PME qui a développé un système d’éclairage aux diodes électroluminescentes (DEL) intelligent et programmable qui imite, en serre, les rayons du soleil de partout sur la planète. « Notre solution permet de reproduire différentes recettes de lumière qu’on peut ensuite adapter selon les besoins du producteur », explique son PDG, Louis Brun.
Ce système offre la possibilité de moduler avec précision l’éclairage dont les plantes ont besoin pour croître, en fonction des différentes plantations, explique-t-il. « Les serres sont munies de senseurs, donc nos luminaires génèrent seulement ce qui est nécessaire en fonction de la lumière naturelle. On assure une stabilité dans la qualité de l’éclairage tout en générant des économies d’énergie de l’ordre de 40 %. » Il est aussi possible d’annualiser la production, ajoute-t-il.
De plus, le remplacement des ampoules par des DEL est aussi plus durable. Comme la lumière est optimisée pour chaque culture, cela diminue aussi le recours à l’utilisation d’eau ou de produits chimiques, précise aussi le PDG de Sollum Technologies.
Sans compter que cette technologie permet de faire un pas de plus vers l’autonomie alimentaire. « On peut aller plus loin que les traditionnels tomates, concombres et poivrons, qui représentent 95 % de la production en serre, avance Louis Brun. Déjà, plus d’une cinquantaine de variétés ont pu pousser avec notre technologie, comme des fines herbes, des fraises, des légumes racines et même des citrons ! »
Fondée en 2015, l’entreprise montréalaise travaille de concert avec des chercheurs provenant entre autres de l’Institut de technologie agroalimentaire du Québec et d’Agriculture et Agroalimentaire Canada. Le nombre d’acres en production avec son système d’éclairage infonuagique a triplé en deux ans et d’autres avenues se dessinent, notamment en agriculture urbaine.
Des avions qui carburent aux GES
Capter le dioxyde de carbone (CO2) provenant des grands émetteurs industriels et le convertir en carburant pour les avions. Telle est la recette développée dans l’est de Montréal par le consortium SAF+, qui réunit des chercheurs provenant entre autres de Polytechnique de Montréal et du Centre d’études des procédés chimiques du Québec ainsi que de grands joueurs de l’industrie, comme Airbus, Air Transat et Aéroport de Montréal. Il s’agit d’une des premières productions d’électro-carburant en Amérique du Nord, qui permet « de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) de 80 % par rapport au carburant classique », précise le PDG de SAF+, Jean Paquin.
Le kérosène synthétique est produit en combinant du CO2 avec de l’hydrogène vert, produit au Québec avec de l’énergie renouvelable, comme l’hydroélectricité. C’est cette combinaison qui lui permet d’être plus vert que son équivalent traditionnel. « Ce qui fait un peu la magie de cette approche, c’est que la production du kérosène permet de récupérer du CO2 qui était dans l’air », soutient Jean Paquin.
Une solution de rechange intéressante en attendant que des options plus écologiques, comme des avions propulsés à l’électricité ou à l’hydrogène, soient développées, estime-t-il.
À terme, l’usine de SAF+ prévoit produire 30 millions de litres de ce kérosène plus écologique en captant 120 000 tonnes de CO2 par année, et il devrait être commercialisé à partir de 2025-2026. Selon le PDG — présent à la Conférence de Glasgow de 2021 sur les changements climatiques (COP26) —, ce produit suscite l’intérêt, alors que plusieurs règlements mondiaux obligent les entreprises du domaine du transport par avion à diminuer leurs émissions de GES. Air Transat, membre du consortium, a déjà réservé 90 % de la production de SAF+ pour les 15 premières années de production, alors que plusieurs partenariats internationaux se profilent à l’horizon.
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