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Tuesday, December 28, 2021

Électrolyse alcaline et PEM, deux technologies de l'hydrogène prêtes à décarboner les usines - Industrie et Technologies

Électrolyse alcaline et PEM, deux technologies de l'hydrogène prêtes à décarboner les usines

En Allemagne, les électrolyseurs PEM de Siemens Energy produiront de l’hydrogène vert dès 2022.

© Siemens

Les électrolyseurs alcalins et ceux à membrane échangeuse de protons (PEM) se positionnent comme des solutions matures de production d’hydrogène vert pour des industriels en quête de décarbonation.

Opération séduction. Alors que la décarbonation de l’industrie figure en tête des priorités de la plupart des stratégies hydrogène dans le monde, les deux technologies d’électrolyse de l’eau parées pour l’industrialisation rivalisent pour équiper les industriels désireux de produire de l’hydrogène pour leurs procédés. La première, l’électrolyse alcaline à électrolyte liquide, domine le marché, encore embryonnaire, avec 61 % des capacités installées en 2020 d’après l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Mais la seconde, l’électrolyse à membrane échangeuse de protons (PEM), ne manque pas d’ambition. Les jeux restent ouverts pour la décennie à venir, alors que les projets se multiplient et que leur taille explose.

« L’industrie de l’ammoniac, celle de l’acier et les raffineries sont les premières cibles de nos électrolyseurs à membrane », confirme Philipp Lettenmeier, le responsable du développement de produits de l’unité dédiée aux énergies nouvelles chez Siemens Energy. « Il y a quelques années, nos clients souhaitaient installer des électrolyseurs avec une puissance comprise entre 5 et 10 mégawatts (MW). Aujourd’hui, nous ne sommes même plus sûrs de pouvoir répondre à ces “petites” demandes, s’amuse Denis Boudailliez, le vice-­président de la fabrication en Europe chez John Cockerill. Nous allons par exemple déployer 75 MW de notre électrolyseur alcalin sur un site de production de chaux en ­Wallonie (­Belgique). »

La fiabilité de la technologie est un facteur clé pour les industriels utilisateurs. « Nous ne pouvons pas intervenir tous les deux jours sur l’équipement ! Il faut que l’électrolyseur fonctionne en dehors des arrêts de maintenance prévus tous les dix-huit mois », insiste ­Olivier ­Machet, le directeur du projet Masshylia chez Engie. Ce dernier est en train d’étudier les offres technologiques dans le cadre d’un projet qui vise à répondre partiellement aux besoins en hydrogène vert de la bioraffinerie de TotalEnergies à La Mède (Bouches-du-Rhône). « Nous sommes aussi très vigilants en matière de sécuri­té : le design doit nous permettre d’être confiants. Sur ce point, l’alcalin dispose de beaucoup plus de retours d’expérience que le PEM », confie ­Olivier Machet.

Durabilité contre réactivité

La technologie alcaline bénéficie en effet d’une grande maturité industrielle, contrairement à sa concurrente à membrane. « Nous n’avons certes pas un siècle d’expérience comme l’alcalin… mais c’est aussi le cas de la batterie, n’est-ce pas ? », nuance Philipp Lettenmeier (Siemens Energy), qui précise que leur entrée sur le marché, à l’échelle du démonstrateur, remonte à l’année 2011.

La fiabilité de l’alcalin réside dans la durée de vie de l’équipement. L’Agence internationale pour les énergies renouvelables (Irena) estime, dans un rapport daté de 2020, que les électrolyseurs alcalins à électrolyte liquide tournent en moyenne 60 000 heures, tandis que la durée de vie de la technologie PEM serait comprise entre 50 000 et 80 000 heures. « Les premiers équipements industriels de type PEM installés ont à peine dépassé les 20 000 heures. Il subsiste une vraie incertitude sur la durabilité des PEM », pointe Marian Chatenet, professeur à l’école de physique, électronique et matériaux (­Phelma) de l’Institut polytechnique de Grenoble (Grenoble INP). D’autant que l’état des connaissances scientifiques invite à la prudence. « En laboratoire, nous avons observé d’importants phénomènes de dégradation sur les électrodes en PEM. S’il existe un mécanisme similaire en technologie alcaline, il est compensé par l’utilisation d’une plus grande quantité de matériaux aux électrodes. Cela n’est pas possible en PEM : les catalyseurs utilisés aux électrodes sont des matériaux nobles (du groupe des platinoïdes), donc chers », poursuit le chercheur.

Mais la technologie à membrane échangeuse de protons a plus d’un tour dans son stack : elle est la meilleure amie des énergies intermittentes (éolienne, solaire). « Elle a un énorme atout : sa capacité à passer en quelques secondes à peine d’un régime de production nominal à rien du tout », souligne Jean-Baptiste Choimet, le directeur général d’Elogen, producteur français d’électrolyseurs PEM. Cette forte réactivité est précisément permise par la membrane polymère échangeuse d’ions au sein de la cellule, qui assure à la fois la conduction électrique et la séparation de l’hydrogène et de l’oxygène.

Des usines géantes pour pallier l’inertie

Au contraire, plusieurs heures sont requises pour permettre à l’électrolyseur alcalin d’atteindre sa capacité nominale. Une inertie peu adaptée aux démarrages et arrêts quotidiens des productions d’électricité solaire et éolienne. En cause, les électrodes qui baignent dans un électrolyte liquide (de la potasse), au milieu duquel se trouve un séparateur poreux. « Pour que ce dernier – un matériau inerte – assure une bonne séparation des gaz, il faut favoriser la circulation de l’électrolyte liquide, développe le scientifique ­Marian Chatenet. Pour cela, il faut préalablement chauffer le réservoir d’électrolyte entre 80 et 90 °C, puis le faire circuler, ce qui demande du temps. »

Pour compenser ce défaut inhérent à la technologie alcaline, les fabricants misent sur la taille des usines de production. « Comme nous installons aujourd’hui des sites de production de plusieurs dizaines de mégawatts, nous pouvons par exemple décider que neuf modules sur dix garderont leur fonctionnement optimal », illustre Denis Boudailliez de John Cockerill. « Nous sommes très confiants, insiste Luc Poyer, le président de McPhy. C’est d’ailleurs notre technologie alcaline qui a été retenue pour le projet d’Hydrogène de France en Guyane, où 55 MW d’électricité solaire viendront alimenter nos 16 MW d’électrolyseurs. »

Dernier aspect, et non des moindres : le coût de la technologie. « L’industrie se fournit actuellement en hydrogène gris bon marché (sous les 2 euros/kg), nous sommes donc sur des marchés très compétitifs », signale Olivier Machet d’Engie. Sur le plan des dépenses d’investissement, le point revient à la technologie alcaline : 240 euros/kW sont à débourser dans le cas du stack alcalin de grande puissance (supérieure à 1 MW), soit 30 % de moins que son équivalent PEM (350 euros/kW), d’après l’étude de ­l’Irena. La faute aux métaux nobles utilisés dans les électrodes PEM.

Plusieurs pistes ouvertes

Pour ce qui est des coûts d’opération, la technologie à membrane présente un gros avantage contre sa concurrente. Toujours d’après l’Irena, la tension de fonctionnement des cellules PEM est en effet moindre (entre 1,4 et 2,5 V) que pour les cellules alcalines (entre 1,4 et 3 V), alors que sa densité de courant est plus importante (entre 2 et 2,3 A/cm2 pour la PEM, contre 0,2 à 0,8 A/cm2 pour l’alcaline).

« À consommation électrique équivalente, la technologie PEM peut produire jusqu’à trois fois plus d’hydrogène par unité de cellule », s’enchante Jean-Baptiste ­Choimet ­d’Elogen, qui ajoute que le coût de l’électricité représente près de trois quarts du coût total de l’électrolyseur. « Cette efficacité s’explique par la présence d’une membrane beaucoup plus fine – de l’ordre d’une centaine de micromètres seulement – que pour l’alcalin, où les électrodes sont distantes d’un millimètre voire plus », détaille-t-il.

Alors, quelle technique d’électrolyse, alcaline ou PEM, parviendra à séduire les actuels et futurs industriels consommateurs d’hydrogène ? « Il y aura de la place pour plusieurs technologies, conclut Luc Poyer de McPhy. Ne réitérons pas l’erreur qui a été faite dans le secteur de l’électricité photovoltaïque, où l’Europe a été dépassée par la Chine. La priorité, c’est le passage à l’échelle des technologies matures. »

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