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Wednesday, December 1, 2021

Végétarisme, logements rénovés, technologies vertes… les scénarios pour une neutralité carbone en 2050 - Reporterre

Cela faisait longtemps que l’on n’avait pas lu un travail de prospective aussi vaste. Alors que depuis des semaines, les rapports techniques s’empilent à propos du mix énergétique souhaité pour la France (rapports de RTE et de Negawatt), l’Agence de la transition écologique (Ademe) prend le parti de voir « beaucoup plus large » : elle avance que la neutralité carbone est un enjeu qui dépasse largement le seul sujet d’un rapport production/consommation.

Dans ce rapport de près de 700 pages, publié le 30 novembre et intitulé « Transition(s) 2050 », l’Ademe propose quatre scénarios pour quatre tendances de société : un ambitieux « génération sobre » (S1), une « coopération territoriale » (S2), des « technologies vertes » (S3) et enfin un plus hasardeux « pari réparateur » (S4) très intensif technologiquement. Tous sont mis en regard d’un scénario tendanciel, qui ne permet pas de tenir les objectifs bas carbone et « nous envoie dans le mur », rappelle Arnaud Leroy, responsable de l’Ademe.

Une base commune : neutralité carbone et baisse des consommations globales

Premier enseignement : non seulement il est possible d’arriver à une neutralité carbone en 2050, mais il existe différentes voies pour y parvenir. Même le scénario le plus intensif technologiquement (S4) est construit sur la base d’une baisse de 75 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) en 2050 par rapport à 1990, et les renouvelables représentent plus de 75 % d’un mix d’énergie, avec des besoins en énergie qui diminuent de plus d’un quart.

Autre caractéristique partagée : une mobilisation beaucoup plus forte de la biomasse pour les usages non alimentaires et l’utilisation de la forêt et des prairies comme « puits de carbone biologiques ». Tous les scénarios, avec des méthodes différentes, tablent sur une rénovation massive des logements — jusqu’à 90 % du parc —, important levier d’économies d’énergies, mais aussi de bien-être et de justice sociale.

Loin de la foire au gigawatt, « l’enjeu est de ne pas limiter la question de l’avenir de notre pays à une question d’EPR » (le réacteur pressurisé européen), selon Arnaud Leroy. Chaque scénario est aussi « tenu par une cohérence interne », souligne le responsable de l’Ademe. Il est même fait état du besoin de « nouveaux récits », qui résonneraient comme autant de propositions politiques — exclusion faites des plus réactionnaires.

© Rapport de l’Ademe

Deux scénarios sobres, pour une société en « recherche de sens »

Ainsi, le premier scénario (S1), le plus sobre, est baptisé « génération frugale » et vient répondre à des aspirations d’une « société en quête de sens ». Dans ce scénario, les métropoles laissent place à une redynamisation des villes moyennes. Les logements vacants et résidences secondaires sont réappropriés comme résidences principales. Côté transport, le nombre moyen de kilomètres parcourus baisse d’un tiers, avec une diminution de 70 % des émissions de GES du secteur.

L’Ademe évoque longuement les modes de vie, notamment la consommation alimentaire. Ainsi, dans cette perspective « sobre », un tiers des Français ne mange plus de viande, un autre tiers devient flexitarien et l’agriculture est à 70 % biologique, tandis que l’industrie a diminué ses émissions de moitié. Un scénario où la consommation énergétique finale est inférieure à 800 térawatts-heures (TWh), soit -55 % par rapport à 2015, qui a de quoi faire rêver une partie des écologistes. Mais selon l’Ademe, il est « risqué », pour des raisons de « désirabilité et d’acceptabilité sociale ». « On est au-delà du changement de comportement individuel », note Arnaud Leroy, et le saut à faire « est quand même très grand ».

Un exemple de société sobre. © Tommy dessine/Reporterre

Pour les moins optimistes, l’Ademe propose un second scénario de sobriété (S2) qui fait, lui, la part belle au collectif et aux territoires. Bienvenue dans une « économie du partage », avec « une rénovation massive des logements », dont une part est mise en commun, avec des « évolutions graduelles, mais profondes, des modes de vie ». La mobilité est maîtrisée, avec une baisse de 17 % du nombre de kilomètres parcourus par personne et « près de la moitié des trajets à pied ou à vélo ».

Dans cette vision, une fiscalité environnementale permet la redistribution dans une « gouvernance partagée ». Une réindustrialisation ciblée peut être opérée dans des secteurs clés. Ce scénario évoque assez fortement le modèle scandinave, et il nécessiterait 833 TWh de puissance énergétique en 2050, dont un tiers de production électrique.

« Technologies vertes » et « pari réparateur » : deux scénarios basés sur l’innovation

Baptisé « technologies vertes », le troisième scénario s’appuie sur l’innovation et le numérique, avec une « optimisation » des « green techs » à tous les niveaux, dont les cultures énergétiques pour la méthanisation et les biocarburants. Les habitats les plus anciens seraient alors détruits et reconstruits pour du neuf à basse consommation. La mobilité continue son redéploiement, avec un report modal en ville, et une électrification massive du parc de voitures ailleurs. La consommation énergétique diminuerait toutefois de 40 %.

Enfin, le quatrième scénario, fruit d’un imaginaire digne de la Silicon Valley, est baptisé « pari réparateur ». Cette fois, la mondialisation s’intensifie encore, l’agriculture également, avec par exemple un doublement des volumes d’eau destinés à l’irrigation, tandis que les monocultures se multiplient en forêt. L’efficacité dépend des projets technologiques, qu’il s’agisse de robotique, de domotique [1] ou du déploiement de l’intelligence artificielle. Pour les logements, la rénovation a lieu de manière industrialisée avec la construction de préfabriqués basse consommation ou passifs. Tout le pari réside en fait dans la captation à grande échelle de CO2 et son enfouissement, même si les expérimentations dans le domaine sont encore loin d’être abouties et viables.

Le troisième scénario s’appuie notamment sur la technologie. Pixabay/CC/Lxz2208180358

Des politiques actuelles limitées

Si cet imposant travail fournit déjà de nombreux éléments, deux grands « feuilletons » manquent à l’appel pour consolider cette étude. Le premier, qui sera publié par l’Ademe fin janvier 2022, précisera le contenu du mix électrique de chacun des scénarios, même s’il est déjà précisé que « tous les scénarios comportent une part de nucléaire historique de base en 2050 », excluant donc d’office l’hypothèse du scénario Négawatt d’une transition 100 % renouvelable. Dans ce même complément, la question des besoins en métaux sera également traitée : zinc, cuivre, lithium, mais également certaines terres rares essentielles pour la quasi-totalité des nouvelles technologies numériques et « vertes ». Enfin, à la fin mars, à quelques jours de l’échéance présidentielle, on connaîtra l’analyse des effets macroéconomiques de ces scénarios, les fiscalités associées et les dispositifs d’adaptation au changement climatique envisagés.

Écueil majeur, mais révélateur de la déconnexion entre les différents enjeux écologiques : si la question du « vivant » est évoquée comme centrale, elle ne l’est que dans sa forme « morte » — consommation alimentaire humaine ou celle des animaux d’élevage, valorisation des végétaux en tant que biomasse, etc. En fait, aucun chiffrage précis n’est donné sur les impacts de ces projections sur la biodiversité et les écosystèmes. L’eau n’est également abordée que par l’entrée « irrigation ». Rien n’est dit sur les capacités des nappes et des stockages d’abonder dans le futur.

Pour autant, ce travail est très complet et a le mérite de placer au centre du débat l’enjeu de la sobriété énergétique. Il propose d’ouvrir le débat sur cinq questions : jusqu’où doit aller la sobriété, peut-on s’appuyer uniquement sur les puits de carbone naturels pour atteindre la neutralité, comment définir une alimentation durable, quelle nouvelle économie du bâtiment et enfin la sobriété est-elle dommageable pour l’industrie ? Du grain à moudre pour les associations qui, dans une tribune portée par France Nature Environnement (FNE) le 30 novembre, dénoncent un débat démocratique « confisqué » sur les choix énergétiques.

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