En 2021, les ventes de voitures électriques, en incluant les hybrides rechargeables, ont doublé par rapport à 2020, atteignant 6.6 millions d'unités. A noter, plus de 50% des véhicules vendus l'ont été en Chine. La forte augmentation des ventes depuis 2012 se confirme. Entre 2012 et 2021, le nombre de véhicules électriques vendus a été multiplié par 54, et par plus de 5 entre 2017 et 2021, une tendance exponentielle avec une croissance annuelle moyenne de près de 50% par an. Une évolution impressionnante. Pourtant, en 2021 les voitures électriques ne représentent qu’environ 10% des 66 millions de véhicules neufs vendus dans le monde. Et rapporté au nombre total de voitures dans le monde (1,4 milliards en 2020), les véhicules électriques ne représentent que 1% du total pour l’instant. Il reste donc beaucoup de chemin à faire, sachant que le transport routier représente 12% des émissions mondiales de gaz à effet de serre.
Croissance exponentielle, mais déploiement très lent
On parle de croissance exponentielle quand le taux de croissance (en pourcentage) est constant et que la valeur ajoutée en valeur absolue augmente chaque année. Par exemple, pour une valeur de départ de 100, un taux de croissance annuel de 10% signifie une augmentation de 10 la première année, de 11 la deuxième, de 21 la dixième, de 55 la vingtième etc. Cela correspond à un doublement tous les 7 ans. C’est le type de croissance dont on a beaucoup entendu parler pendant la crise de Covid, notamment pour l’augmentation du nombre de cas. Le déploiement des technologies, une fois qu’elles sont disponibles sur le marché, connaissent aussi une croissance exponentielle. En 2000, il y avait 730 millions de téléphones mobiles dans le monde. 16 ans plus tard, on en comptait 7.4 milliards, autant que d’habitants sur la planète. Sur des durées très longues, ce type de croissance donne le vertige. La loi de Moore, formulée sur la base d’observations empiriques par le co-fondateur d’Intel en 1965, puis révisée en 1975, postule un doublement du nombre de transistors sur un circuit imprimé tous les 2 ans - soit une croissance annuelle de 41%. Croissance maintenue sur quasiment 50 ans, résultant en une multiplication par 25 millions !
Tel est justement le paradoxe de la transition énergétique qui combine une croissance exponentielle des technologies et des échelles de temps pourtant très longues. Pour rester sous les 2 degrés de réchauffement planétaire, il est nécessaire de diviser par 4, au moins, nos émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050 - c’est-à-dire dans moins de 30 ans. Dans leur phase de déploiement rapide, le nucléaire ou même l’éolien et le solaire connaissent des croissances de la capacité installée de l’ordre de 25-30% par an à l’échelle mondiale. Cette croissance exponentielle s’est arrêtée de façon abrupte pour le nucléaire à la fin des années 1980. Il ne représente en 2019 que 4% de l’énergie mondiale.
Le solaire et l’éolien représentent encore moins de 5% de l’énergie primaire mondiale. En 2020, environ 240 gigawatts (GW) de capacités de production renouvelables ont été installées dans le monde, 50% de plus qu’en 2019. Extrapoler la tendance actuelle laisserait à penser que le solaire pourrait représenter 50% de la consommation énergétique mondiale dans 20 ans. De même, au rythme actuel les véhicules électriques représenteraient près de 60% des voitures vendues en 2030. Et c’est le point de tension entre deux visions de la transition : les tenants d’une transition rapide car exponentielle, et ceux se basant sur les données passées voyant la transition comme une affaire nécessairement très lente.
Transitionner = remplacer
Un point souvent oublié dans ces discussions est que la transition énergétique ne nécessite pas seulement le déploiement de technologies bas-carbone, mais également la mise à l’arrêt et le remplacement des technologies existantes : un remplacement, pas une addition. Tant que la nouvelle technologie déployée ne représente que quelques pourcents de la demande, son développement ne concurrence pas vraiment les moyens de production existants. Passé un certain stade, il est nécessaire de fermer des centrales existantes, qui peuvent être non encore amorties, ce qui induit de fortes pertes financières. Une centrale à charbon coûte jusqu'à plusieurs milliards d’euros, et est prévue pour fonctionner des dizaines d’années. Une fermeture anticipée représente une perte de bénéfices pour les investisseurs et représente un actif échoué.
Rappelons qu'il y a environ 2.000 GW de centrales à charbon installées en 2021 (8500 centrales), et que près de 20% des émissions de CO2 proviennent de la production d'électricité au charbon. De nombreux pays ont annoncé qu'ils ne financeraient plus de nouvelles centrales à charbon à l'étranger, et le nombre de centrales prévues ou en construction a beaucoup diminué ces dernières années. Près de 500 GW étaient encore prévus début 2021. De nombreuses centrales étant récentes ou en construction, la question du coût de leur fermeture anticipée se pose. Tenir les engagements climatiques représenterait un total de 1.400 milliards de dollars d'actifs échoués - près de la moitié en Chine et un quart en Inde. La fermeture de centrales existantes, ou la reconversion de l’industrie automobile, a aussi des conséquences sur l’emploi qu’il faudra gérer intelligemment.
S’il est important de maintenir des croissances exponentielles pour les technologies nécessaires à la décarbonation de nos économies, il est tout autant important de gérer le remplacement des technologies existantes.
La transition énergétique nécessite le remplacement des technologies existantes - Capital.fr
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