Le géant Alibaba, l’alter ego chinois d’Amazon, n’a toujours pas redressé la barre. Le 12 avril 2021, l’autorité de la concurrence chinoise lui avait infligé une amende record de 2,3 milliards d’euros, point culminant de la reprise en main du secteur de la « tech » par les autorités.
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Celles-ci ont souhaité mettre de l’ordre dans des marchés qui s’apparentent souvent au Far West : il a été demandé à Alibaba, par exemple, de ne plus appliquer sur sa plateforme des prix différents selon les clients… « Le gouvernement chinois se comporte comme un homme d’affaires : il laisse les secteurs innover sans restrictions puis, une fois que cela fonctionne, il régule », confie Augustin Missoffe, entrepreneur à Shanghaï pendant dix ans.
Capitalisations divisées par deux
Pour d’autres activités, le Parti communiste a souhaité réorienter la recherche et les investissements. Tencent, spécialiste du Web et des jeux vidéo, a perdu de nombreux utilisateurs depuis que le gouvernement a strictement encadré l’usage des jeux en ligne pour les mineurs. Le pouvoir s’est aussi opposé à ce qu’il crée un géant de la diffusion en direct de jeux vidéo. Résultat, le 7 avril, Tencent a annoncé qu’il mettait fin aux activités de sa plateforme dédiée, sorte de Twitch local, un temps présenté comme l’un des projets les plus prometteurs du milieu.
Résultat, depuis un an, les BATX (Baidu, Alibaba, Tencent, Xiaomi), ces fleurons chinois du secteur des technologies souvent comparés aux Gafam américains, ont tous perdu la moitié de leur capitalisation à la Bourse de Hong Kong.
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Pourquoi un tel tour de vis, alors même que la croissance chinoise devrait enregistrer son pire score depuis le début des années 1990, hors effet de la crise sanitaire ?
Deux poids, deux mesures
« L’un des problèmes de Xi Jinping, c’est que les jeunes s’intéressent à des secteurs comme le Web ou les jeux vidéo, plutôt qu’à la recherche fondamentale », analyse Mary-Françoise Renard, autrice de La Chine dans l’économie mondiale (1). Il s’agit d’orienter les jeunes et les diplômés vers des secteurs identifiés comme prometteurs. Ce qui n’empêche pas de rester pragmatique. « Il y a “deux poids deux mesures” dans le secteur des jeux vidéo, note Camille Gaujacq, chef de projet chez Daxue Consulting, qui accompagne des entreprises qui se déploient en Chine. Tencent subit des restrictions sur le marché intérieur, mais pas pour développer des jeux vendus à l’international. »
« Cinq fois plus de brevets que les Américains »
« La Chine évolue quant aux secteurs sur lesquels elle concentre ses efforts », explique John Egan, directeur de l’Atelier, filiale de BNP Paribas consacrée au secteur des nouvelles technologies. « Il suffit de regarder où elle dépose le plus de brevets : la biologie, les nanoparticules, les piles à combustible… Dans ces secteurs, la Chine dépose jusqu’à cinq fois plus de brevets que les Américains, et l’écart grandit. »
Et si certains secteurs paraissent délaissés ces derniers temps, c’est qu’ils sont déjà en grande partie matures. « Dans la réalité virtuelle ou la voiture autonome, il y a déjà eu beaucoup d’investissements réalisés », rappelle John Egan.
Un écosystème dynamique qui doit aussi évoluer
Le pouvoir peut aussi s’appuyer sur un secteur entrepreneurial dynamique. Si le nombre de licornes, ces jeunes entreprises valorisées plus d’un milliard de dollars, n’a pas encore rattrapé celui des États-Unis, la Chine est solidement ancrée à la deuxième place. « Le secteur des jeunes pousses est monté en puissance, mais cela s’est fait de façon désordonnée, explique Mary-Françoise Renard. Ces dernières années, les entrepreneurs ont plutôt favorisé des projets rentables à court terme, sur le Web ou dans la publicité. »
Reste que la tech chinoise fait face à des freins, plus structurels, qui pèsent sur sa croissance. « Ces entreprises ont moins de réserves de croissance et de clients à toucher, notamment sur le marché intérieur, poursuit Camille Gaujacq. Il y a une évolution aussi du côté des conditions de travail, où elles sont invitées à arrêter le “996”, c’est-à-dire faire travailler leurs salariés de 9 heures le matin à 9 heures le soir, six jours par semaine. Les grandes entreprises de la tech y vont à reculons. »
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Shanghaï toujours confinée
La plupart des 25 millions d’habitants de Shanghaï étaient toujours confinés à leur domicile mardi 12 avril, même si les résidents de certains quartiers à « faible risque » ont pu sortir de chez eux, sous réserve qu’aucun nouveau cas ne soit pas détecté dans leur zone. Le ministère de la santé a fait état de plus de 23 000 nouveaux cas positifs dans la ville.
Inquiets pour le « bien-être » des citoyens américains, les États-Unis ont annoncé avoir ordonné aux employés non essentiels de leur consulat de quitter la ville. La Chine est « fort mécontente et s’oppose fermement à toute instrumentalisation et politisation » de cette évacuation, a fustigé devant la presse un porte-parole de la diplomatie chinoise.
Le secteur chinois des technologies en pleine mutation - La Croix
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