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Tuesday, August 30, 2022

Impression 3D, gigapixels... Les technologies au chevet du patrimoine - Ça m'intéresse

Plus le temps avance, plus le patrimoine se dégrade. C'était sans compter sur de nouvelles technologies qui arrivent et permettent de mieux le préserver et le mettre en valeur.

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Avec la 3D

Reconstruire le patrimoine syrien ?

Pour en conserver la mémoire, et aider à sa restauration, une start-up française œuvre à la sauvegarde virtuelle de Palmyre. En mars 2016, la cité antique de Palmyre a été reprise à Daech. Bilandes exactions de l’EI: la destruction entre autres des temples de Baalshamin et de Bêl, de l’arc de triomphe, dynamités en 2015. Des trésors à jamais perdus ? Dans le monde, la communauté scientifique, très émue, s’est mobilisée, et plusieurs projets de reconstitution numérique du site ont été lancés.

En France, c’est la start-up Iconem qui planche sur une modélisation de la cité de Palmyre toute entière. Yves Ubelmann, architecte-archéologue, et fondateur de la société — avec Philippe Barthelemy, pilote d’hélicoptère —, était sur les lieux quelques jours après le départ des djihadistes: « On peut aujourd’hui envisager une restauration et le remontage des blocs qui sont au sol. Nos relevés peuvent aider à préparer ce travail », assure Yves Ubelmann.

Iconem s’est spécialisée dans la sauvegarde virtuelle de sites archéologiques grâce à une technologie innovante qui permet de réaliser des copies 3D hyper-réalistes d’environnements réels. Avec deux atouts essentiels: une précision au millimètre près et un dispositif de relevé léger adapté aux zones sensibles, grâce à des drones qui survolent des sites menacés de destruction dans le monde entier, de Haïti à Pompéi.

Une base de données des monuments syriens

Depuis trois ans, le programme « Syrian Heritage » est la priorité d’Iconem. En partenariat avec la DGAM (Direction générale des antiquités et des musées de Syrie), l’organe gouvernemental chargé de la protection du patrimoine, la première mission de la société française a été de constituer une base de données digitales des monuments syriens, informations collectées sur le terrain par ses équipes ou par la quinzaine d’archéologues de la DGAM qu’ils ont formés à leur méthode. « Le programme prévoit aussi un transfert de compétences », détaille Yves Ubelmann. Sur place, les archéologues sont régulièrement freinés par les autorisations liées à la sécurité et ne peuvent utiliser les drones partout où ils le souhaiteraient. Cependant, un enregistrement complet de plusieurs sites en péril a pu être effectué. Accessible en ligne sur iconem.com et sur le site de la DGAM, le résultat est une mine d’informations. Pour les chercheurs et archéologues. Mais pas que. En effet, les reconstitutions 3D mises en ligne, telles que celle de la mosquée des Omeyyades de Damas, ont pour objectif de sensibiliser le grand public. « Le plus important, insiste Yves Ubelmann, est de conserver la mémoire de ces sites et de la transmettre aux générations futures. Il s’agit aussi pour ces pays de donner une autre image que celle de territoires ravagés par la guerre, de faire connaître leurs richesses culturelles. »

Malgré des réticences à ses débuts, cette jeune société française a convaincu les plus grandes institutions et collabore aujourd’hui avec l’Unesco, le musée du Louvre, l’Inria (Institut national de recherche en informatique et en automatique), l’ENS (Ecole normale supérieure) ou encore Microsoft Research Lab. Iconem travaille également au projet Scan Pyramids, mené sur les sites de Guizeh et de Dahchour.

Au plus près de la touche avec le gigapixel

Des centaines, voire des milliers de photos en haute définition prises en même temps, puis assemblées en une seule image. Cette technologie permet d’admirer des tableaux comme on ne les a jamais vus.

L’écume mousseuse qui roule dans « La Vague » de Gustave Courbet (1869); le garçonnet qui, à droite du tableau de Pascal Dagnan-Bouveret, « Une séance chez le photographe » (1879), reçoit en plein visage la fumée d’une pipe copieusement soufflée par un adulte… Ce sont là quelques détails qui échappent à notre œil de visiteur, mais que l’on peut désormais capter grâce à la « technologie du gigapixel » : photographie ultra-haute définition née dans les années 2000. Les initiatives mondiales se multiplient pour enrichir notre répertoire visuel. Par exemple, Google Art Camera, lancé en 2015, a signé une convention avec 1 000 musées dans le monde.

En France, le musée des Beaux-Arts de Lyon est l’un des premiers à s’être saisi de la technologie du gigapixel pour valoriser ses chefs-d’œuvre. Sur son site Internet et sur son application de visite, 30 tableaux peuvent d’ores et déjà être contemplés dans les moindres détails. « Le gigapixel offre une approche inédite de la matière, au plus près de la touche et des effets voulus par le peintre », explique Guillemette Naessens, responsable de la communication.

Comment cela fonctionne-t-il ?

« Réalisée à partir de l’assemblage d’une centaines de clichés en très haute définition, l’image finale est constituée de 1 à 4 milliards de pixels par toile », résume Gilles Alonso, qui a shooté les tableaux de Lyon. Photographe professionnel, ce dernier s’est lancé dans le gigapixel il y a trois ans, après avoir créé un système de trépied léger et nomade: « Inutile de détacher l’œuvre pour l’amener au studio, ou d’attendre la fermeture. Il suffit de limiter la proximité immédiate du tableau au public le temps de la prise de vue. » Comptez deux heures en moyenne. Un temps durant lequel l’appareil photo balaie verticalement et horizontalement le tableau. « Une centaine de photos en moyenne sont ainsi prises, puis assemblées pour n’en former qu’une, qui contient des millions d’informations », détaille Gilles Alonso. Reste ensuite à corriger la netteté et à nettoyer les impuretés éventuelles. « On doit veiller à différencier ce qui fait partie de l’œuvre et ce qui n’en fait pas partie », souligne-t-il. Un jour, Gilles Alonso est même tombé sur une trace de doigt prise dans un vernis: « Impossible à voir à l’œil nu ! »

Percer le mystère…

Elle est assise dans un paysage bucolique sur fond de montagnes. Dans ses mains, des boutons d’or, des coquelicots, bleuets, marguerites… Qui est cette jeune femme au regard mélancolique ? Une allégorie de Flore, la déesse du printemps ? Que nous disent les papillons qui virevoltent à gauche de ce panneau de bois ? Visible aujourd’hui, jusqu’à la plus fine craquelure, sur ordinateur, tablette ou smartphone, grâce au gigapixel, « Fleur des champs », de Louis Janmot, conserve depuis le XIXe siècle ses mystères.

dr


« Fleur des champs », de Louis Janmot, 1845, Musée des Beaux-Arts de Lyon. © Wikimedia Commons

Malika Bauwens, Lorraine Besse et Florelle Guillaume

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