Son nom ? Airbus UpNext. Sa mission : servir de tremplin aux technologies de rupture. Créée en 2017, victime d’un sérieux trou d’air en 2020 pour cause de pandémie, cette entité méconnue d’Airbus s’est remise en selle et promet de faire de plus en plus de bruit.En 2023, elle mettra en œuvre le premier démonstrateur de système propulsif fonctionnant grâce à la supraconductivité, ouvrant un boulevard à l’électrification des avions. En 2024, elle mènera les essais en vol d’une voilure capable d’adapter sa forme en fonction des conditions météorologiques. Et Airbus UpNext créera très prochainement la surprise avec d’autres projets pour l’heure confidentiels.
Principal fait d’arme de cette structure regroupant à temps plein environ 150 personnes, en France, en Allemagne, en Grande-Bretagne et en Espagne : avoir permis à Airbus de dégainer en septembre 2020 son projet d’avion à hydrogène, après deux années passées à mettre cette option énergétique sur le gril. Une voie audacieuse qu’avait poussée Sandra Bour Schaeffer, à la tête de cette véritable start-up depuis 2018.
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sourceUne ingénieure qui cumule plus vingt ans de maison et qui a notamment dirigé les essais en vol de l’A320neo. Et que L’Usine Nouvelle avait distingué en 2016 lors des Trophées des femmes de l’industrie. Sa stratégie ? Insuffler une bonne mesure d’autonomie et une dose immodérée de diversité au niveau des profils, tout en cultivant un goût du risque assumé.
L’Usine Nouvelle - Peut-on comparer le fonctionnement d’Airbus UpNext à celui d’une start-up ?
Sandra Bour Schaeffer - Le terme de start-up caractérise effectivement bien notre fonctionnement. On vit certes dans un monde très différent de celui d’une véritable start-up. Mais comparé au reste du groupe, notre rôle est bien d’explorer, de repousser des limites, d’apporter un regard nouveau. Et ce pour les trois divisions, Airbus Commercial, Airbus Defence and Space et Airbus Helicopters. Si chaque division a une R&T qui lui est propre, nous sommes le véhicule additionnel qui va chercher des technologies disruptives qui peuvent avoir un potentiel pour les produits et services du futur du groupe. Nous absorbons également les risques liés à ces technologies pour ne pas mettre d'autres divisions en difficulté avec leur développement.
Nous menons en permanence entre 7 et 10 projets, avec trois thématiques fortes que sont la décarbonation, l’autonomie et les services. Nous sommes en quelque sorte l'accélérateur d’Airbus. Nous accélérons la maturation de nouvelles technologies avec un fort potentiel, nous formons les ingénieurs et chercheurs de demain, nous préparons le tissu industriel avec de nouveaux fournisseurs et nous conseillons le groupe sur les bénéfices de ces technologies, le tout dans des temps très courts.
Quelle rupture technologique espérez-vous accélérer chez UpNext ?
D’une manière plus générale, l’idée est d’investiguer des technologies de rupture pour lesquelles le pari est vraiment osé. L’objectif est de démontrer la faisabilité et la valeur technologique en un laps de temps très court. Peut-on en faire un vrai produit, un vrai service? A la fin du démonstrateur, le groupe aura une réponse technique. Mais aussi sur le potentiel de l'écosystème car notre ambition est de constituer le réseau de fournisseurs de demain capable d’accompagner les divisions dans ces nouvelles technologies.
Quel cadre fixez-vous pour mener à bien ces projets ?
Lorsqu’un projet est lancé, nous définissons des objectifs technologiques très clairs en concertation avec la direction du groupe. Nous savons exactement ce que l’on veut démontrer dans quel laps de temps et avec quel budget. Ensuite, nous définissons notre feuille de route. Tout est ouvert notamment pour monter de nouveaux partenariats, avec de nouveaux fournisseurs. Nous sommes en cela autonomes vis à vis du groupe.
La culture est-elle vraiment différente de celle du reste du groupe ?
C’est un environnement où tout va très vite, bien plus que pour les développements classiques des programmes aéronautiques. En ce sens, oui, c’est une nouvelle culture d’entreprise. C’est un environnement très valorisant mais très demandeur et exigeant. Il y a une culture de la livraison, du résultat, assez rare dans le monde de la R&T pure.
Et également une culture de l’échec, souvent mal perçue par les ingénieurs français ?
J’estime que le résultat d’un projet est aussi valorisant si l’on me dit que ça fonctionne ou pas. Un projet arrêté est autant valorisé qu’un projet amené à maturité. On ne remplirait pas notre mission si tous les projets arrivaient à maturité. Il faut juste être en mesure de le prouver. C’est arrivé. Le projet “PopUP Next” qui combinait la flexibilité d’un drone et d'une voiture deux places, ou l’avion électrique EFanX, dont nous avions suffisamment récupéré de données sur la transmission électrique, ont été arrêtés. Prenons un dernier exemple, le quantique. Nous nous sommes posés beaucoup de questions avec le groupe mais nous pensons que ces technologies associées à l’aéronautique n’ont pas encore atteint un assez bon niveau de maturité pour les développer dans un accélérateur comme UpNext.
Qu’advient-il des projets prometteurs ?
Une fois un projet achevé, après une durée comprise entre deux et quatre ans, Airbus prend la décision de le transférer vers l’une de ses divisions pour qu’elles développent elles-mêmes un produit ou un service. C’est le cas de Fello’Fly, le vol en formation, ou l’hydrogène qui a été maturé chez Airbus UpNext. Cela a été l’un des éléments qui a permis au groupe de confirmer en 2020 sa stratégie sur la décarbonation de l'aéronautique et d’avoir l’ambition de positionner sur le marché un avion zéro émission pour 2035. Désormais, les équipes programmes sont chargées d’en faire un produit. UpNext a été un accélérateur.
Quelles nouvelles pistes technologiques pourriez-vous bientôt explorer ?
Nous avons des technologies en cours de démonstration très prometteuses sur les ailes, la cryogénie ou l’autonomie. Nous venons de lancer un démonstrateur technologique pour le ravitaillement automatique de drone. Je pense que dans le domaine de la défense, nous avons une vraie valeur ajoutée. L’arrivée de l'hydrogène nous ouvre le champ des possibles, comme dans la pile à combustible.
Nous avons parlé technologie, mais comment constituez-vous les équipes associées à ces projets ?
La constitution des compétences de l’équipe est effectivement primordiale. Tout est question d’équilibre. La taille d’une équipe ne fait pas tout. Il faut un bon mix de profils et de compétences. Nous sommes aujourd'hui, entre 150 et 200 personnes, répartis sur nos sites français, allemands, anglais et espagnols. La moitié des effectifs sont issus d’Airbus et repartent ensuite dans le groupe une fois le projet mené à bien, emportant avec eux nos façons de travailler et cet esprit start-up. L’autre moitié est constituée d’experts qui viennent de l’extérieur avec des compétences et des façons de faire différentes. Nous avions par exemple recruté des personnes qui ont quitté des grands groupes dans la cosmétique et le luxe et qui sont toujours chez Airbus. Notre démonstrateur “Ascend” lié à la supraconduction, est une bonne illustration. Au sein de cette petite équipe, il y a des experts qui viennent de France, d’Italie, du Japon, de Suède, du Maroc…La diversité est primordiale dans notre approche.
Le management est-il lui aussi atypique ?
L’idée est de créer un esprit de famille et d’entraide entre les projets. Ceux qui viennent chez UpNext ont tout de suite plus de responsabilités du fait de notre taille, même pour les profils très jeunes. Nous sommes un peu un laboratoire pour les ressources humaines. C’est pour ça que nous avons une politique de rémunération et de gestion du personnel différente du reste du groupe. Ce qui compte au sein d’Airbus UpNext, c’est le résultat collectif et cela guide nos règles de rémunération.
Quel est le montant du budget d’Airbus UpNext ?
Le budget d’Airbus UpNext fait partie du budget R&T du groupe, soit environ 2,4 milliards d’euros, et nous en représentons une part significative.
Dans quelle mesure Airbus UpNext a-t-il été touché par la crise provoquée par la pandémie ?
Lorsque je suis arrivée, fin 2018, la structure venait d’être créée. En un an et demi nous avons multiplié par quatre notre budget et nos effectifs. Puis est arrivée la pandémie lors du printemps 2020. Nous avons pris des décisions radicales en réduisant fortement la voilure, tout en accompagnant le personnel. Nous sommes aujourd’hui revenus au niveau d’avant-crise, soit un peu plus de 150 personnes.
Comptez-vous continuer de faire croître cette structure ?
Je ne plaide pas pour une croissance supplémentaire des effectifs. Nous sommes parvenus à une taille critique intéressante qui nous donne une vraie capacité à livrer et à explorer. Nous possédons une agilité que l’on risquerait de compromettre en grossissant.
Comment Airbus repère et évalue les technologies de rupture - L'Usine Nouvelle
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