IMA Solutions utilise des technologies 3D pour explorer les momies sans les abîmer, et transmettre leurs secrets au grand public. Exemple auprès des six momies dont l’entreprise toulousaine s’est occupée dans le cadre de l’exposition Momies, corps préservés, corps éternels, au Muséum de Toulouse jusqu’au 2 juillet 2023.
Elle est loin, l’époque des cabinets de curiosité où la haute société française se réunissait pour débandeleter des momies venues d’Égypte pour voir ce qu’il y avait dessous. Et c’est tant mieux : d’abord parce que l’idée ne plaisait pas beaucoup au peuple égyptien, bien qu’il n’ait pas eut son mot à dire, mais aussi parce que ces méthodes étaient loin d’être idéales pour s’assurer que les générations futures pourraient, à leur tour, espérer voir des momies de leurs propres yeux. Si la curiosité envers les corps qui traversent les âges reste intacte, la plupart des momies sont aujourd’hui la propriété de musées, qui ont la responsabilité de préserver ces restes humains anciens. Pour son exposition Momies, corps préservés, corps immortels, célébrant le bicentenaire du décryptage des hiéroglyphes par Champollion et le centenaire de la découverte du tombeau de Toutankhamon, le Muséum de Toulouse a rassemblé des spécimens issus de divers musées, avant d’en confier certains à IMA Solutions, une entreprise toulousaine dédiée à la numérisation 3D du patrimoine culturel et scientifique offrant une diversité d’outils de pointe permettant de mieux comprendre les momies.
Puisque la nécessité de manipuler les restes humains anciens avec une grande délicatesse fait désormais l’unanimité, le monde de l’archéologie s’affaire à développer des solutions permettant de les étudier de manière aussi peu invasive que possible. C’est ainsi que trois momies égyptiennes dont une de varan et deux momies sud-américaines se sont retrouvées dans une clinique pour passer un scanner médical. Sous les rayons X, IMA Solutions a pu extraire des données à partir de tranches virtuelles en deux dimensions, pour reconstituer un modèle numérique en 3D de chacune des momies.
Lorsque l’on étudie un objet fragile, avoir son jumeau numérique est utile à plusieurs égards. Les outils d’IMA Solutions permettent notamment d’obtenir des informations sur la densité des matériaux qui le constituent, et donc de les distinguer pour les observer individuellement. Dans le cas d’une momie égyptienne, on pourra, à l’aide d’un ordinateur, enlever d’abord la couche de bandelettes de lin imbibées de myrrhe, de natron ou de cire d’abeille, puis isoler des amulettes et les bijoux destinés à servir et protéger le défunt dans sa nouvelle vie au sein du royaume d’Osiris, ou encore étudier sa dentition et son squelette. Chacun de ces éléments pourra être reconstitué sous un format numérique, ou à l’aide d’une imprimante 3D.
En plus de ravir les curieux visiteurs de musées, ces doubles numériques représentent un grand intérêt pour les bio-anthropologues, en charge de comprendre les causes de la mort d’un individu. Souffrait-il d’une maladie ? De malnutrition ? Ces informations serviront ensuite aux historiens et archéologues, qui pourront les croiser avec leurs connaissances historiques pour confirmer des famines, des épidémies ou des périodes de guerre. De leur côté, les égyptologues pourront étudier les techniques d’embaumement et les us et coutumes propres aux différentes dynasties… Quand ils ne se heurtent pas à des surprises qui pourraient brouiller les pistes, comme c’est le cas avec la momie d’Antinoé, exposée au Muséum : si la numérisation 3D par tomographie de la momie a permit de révéler que les jambes de la jeune femme avaient été placées à l’envers sous les bandelettes, les recherches biologiques ont permit de révéler que ses jambes appartenaient en fait à un autre individu ! Plutôt que d’un choix de la part des embaumeurs de l’époque ptolémaïque, les chercheurs estiment qu’il s’agit très probablement d’une opération réalisée bien après lors de l’égyptomanie effrénée qui traversa la France et l’Angleterre au XIXème siècle…
En bout de chaîne, ces outils de pointe permettent aussi aux musées d’adapter leurs conditions de conservation sur mesure, et d’améliorer leurs connaissances concernant leurs propres collections pour mieux les transmettre à leur public. Car derrière une momie, c’est tout un univers culturel fait de croyances et de rituels qui se dessine, ainsi que des résultats de conservation qui semblent parfois défier les lois de la nature. Pour exposer au Muséum de Toulouse toute la richesse apportée par ces êtres embaumés, IMA Solutions a développé des animations numériques interactives avec lesquelles le visiteur peut réaliser une autopsie virtuelle d’un spécimen, et se concentrer sur des parties ou objets précis grâce à des points d’information.
Parce qu’elles traitent tout de même d’individus décédés et de corps dénudés, la proposition doit être adaptée à son public : « on fait toujours attention à comment on montre les choses, explique le bio-informaticien Benjamin Moreno, le fondateur d’IMA Solutions. Selon le pays où on expose, il nous semble important de s’adapter au rapport à la mort et à la nudité de la culture locale ».
Pour d’autres institutions culturelles, l’équipe toulousaine utilise ses technologies de numérisation 3D de pointe pour intégrer d’autres éléments tels des statues ou objets antiques du quotidien à des applications de réalité immersive, ou encore proposer de se promener numériquement sur des sites archéologiques tels qu’ils étaient il y a 2000 ans comme ce sera bientôt le cas avec un site gallo-romain proche de Saint-Rémy-de-Provence. On peut déjà explorer les pyramides de Khéops en réalité virtuelle avec l’exposition l’Horizon de Khéops, et peut-être y croiserons-nous un jour le double numérique de vraies momies ? Pas si vite, tempère Benjamin Moreno : avec la qualité photoréaliste dont on est capables aujourd’hui, la VR peut se révéler très impressionnante. « Faire de la 3D pour faire de la 3D, ça peut être joli mais si ça ne nous apprend rien, ça ne nous intéresse pas, insiste-t-il. Il faut que cela apporte des connaissances supplémentaires à ce que l’on pourrait voir directement ». En revanche, ces technologies sont particulièrement adaptées pour présenter des lieux ou objets qui ne sont normalement pas montrés au public car trop fragiles pour être déplacés, trop sensibles à la lumière, ou encore menacés par de potentielles catastrophes climatiques ou politiques.
Comment les nouvelles technologies 3D décryptent les momies - Usbek & Rica
Read More
No comments:
Post a Comment