L’usine du monde ne se contente plus de fabriquer les jouets des enfants européens, mais produit désormais les smartphones, les batteries et bientôt les véhicules électriques de leurs parents. Cette montée en gamme des productions chinoises force les décideurs européens et américains à interroger leurs certitudes en matière de politique industrielle.
Les succès du pays s’accumulent. Les batteries pour véhicules électriques en sont un nouvel exemple : cinq des dix fabricants mondiaux sont chinois. Le leader du marché, CATL, pèse un tiers du marché mondial et plus de la moitié du marché national, et fournit les fabricants automobiles, de Tesla à Daimler. Cette domination de la chaîne de valeur s’étend jusque dans le minage et raffinage des minerais et la production des cathodes et anodes, concentrant 61 % des premiers et 86 % des secondes.
La Chine connaît néanmoins des difficultés persistantes. Dans les secteurs où doivent s’allier compétences humaines et synergies industrielles, le pays a connu de piètres résultats au vu de ses efforts. Ainsi, le moyen-courrier C919, fruit de 16 ans de développements, comprend une moitié de composants étrangers.
Le poids de l’Etat-parti
Les progrès substantiels de la micro-électronique chinoise dans la conception de processeurs, les mémoires avancées, ou les nouvelles générations de matériaux semi-conducteurs (GaN & SiC) dépendent structurellement de l’étranger, notamment sur les outils de conception et de fabrication (logiciels de conception automatisée par ordinateur et fonderie). Comme le Japon en son temps, la Chine est accusée d’avoir « volé » ses avancées technologiques.
Au-delà des intrusions informatiques, Pékin continue d’utiliser l’attractivité économique du pays pour forcer la main des multinationales étrangères. Pour accéder à son immense marché intérieur, les entreprises sont priées d’apporter leurs savoirs : localisation de la R&D, transfert de compétences, partenariats scientifiques, etc. Si l’espionnage industriel chinois est une réalité, cette accusation véhicule aussi le récit d’une réussite « illégitime », dénigrant les capacités du pays.
Le rôle de l’Etat-parti dans le rattrapage industriel du pays reste fondamental. Bien que l’économie ne soit plus planifiée, l’exécutif garde une fonction de guide et d’ordonnateur. A travers de grands programmes comme « Made in China 2025 » et les plans quinquennaux successifs, les pouvoirs publics orientent les investissements dans des secteurs prioritaires.
Un fort interventionnisme de Pékin
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Pierre Sel : « Succès et limites de la technologie chinoise » - Le Monde
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