Je voyais l’Internet comme une grande encyclopédie en perpétuelle évolution diffusant le savoir en temps réel à tout le monde. Cette grande banque de savoir permettrait enfin à l’humanité de mieux comprendre son passé afin d’ajuster son présent pour ne pas répéter les erreurs d’autrefois. Grâce à la technologie, je voyais l’humanité plus unie que jamais, compréhensive, empathique et inclusive. Un quart de siècle plus tard, je suis forcé d’admettre que j’ai honte de la technologie.
Quand j’affirme avoir honte de la technologie, ce n’est pas tout à fait vrai. J’ai plutôt honte de ce que l’humanité en fait, et ce, depuis la nuit des temps! Je présume que même lors de l’invention du feu, l’humain n’a probablement pas perdu de temps pour s’en servir contre ses pairs afin de brûler les tribus voisines. Malgré toutes les avancées du savoir humain, il n’en demeure pas moins qu’être cabochon fait partie de notre ADN et les réseaux sociaux sont spécialement conçus pour extérioriser le cabochon qui sommeille en nous! Ceci étant dit, la manière dont les réseaux sociaux exploitent nos faiblesses est l’une des plus grandes réussites technologiques de ce premier quart de siècle du millénaire.
Le désastre américain
Il ne faut pas regarder bien loin pour se rendre compte à quel point le dérapage est grand. La désinformation sur les réseaux sociaux est au cœur du climat social toxique aux États-Unis. Il est difficilement concevable, en effet, de voir autant de gens supporter encore Donald Trump malgré toutes les accusations criminelles à son actif. Le secret derrière le succès de Trump réside tout d’abord dans sa stratégie de communication qui consiste à discréditer les médias traditionnels pour ainsi propager ses théories loufoques par le truchement des réseaux sociaux. C’est ainsi qu’un escroc fasciste pourrait se faire élire à la tête de ce qui était la plus grande démocratie du monde! Une telle élucubration n’aurait pas eu sa place il y a à peine vingt ans, mais les réseaux sociaux viennent changer le paysage politique. Les réseaux sociaux sont une arme politique si puissante que même la justice américaine marche sur des œufs tellement les fanatiques endoctrinés de Trump sont dangereux pour la démocratie. Les attentats du 6 janvier 2021 ne sont pas le fruit d’une manifestation spontanée, ils sont l’aboutissement d’une campagne de désinformation sur les réseaux sociaux alimentée par l’équipe de Trump.
Les partisans de Trump sont si fanatiques qu’ils ont moins confiance en leur famille qu’en l’ex-président. Certains le voient comme une véritable réincarnation de Jésus. Pour en arriver là, laissez-moi vous dire que la sauce conspirationniste est rendue épaisse sur un moyen temps! Ce succès est attribuable en bonne partie à la puissance des réseaux sociaux qui sont devenus un véritable frein à la démocratie. Sur le réseau X (anciennement Twitter), Elon Musk a annoncé qu’il sera bientôt interdit pour les utilisateurs de bloquer d’autres utilisateurs. Cette manœuvre a surtout pour but d’augmenter le rayonnement des comptes associés à la sphère conspirationniste-trumpiste, car ce sont majoritairement ces comptes qui sont bloqués par les utilisateurs modérés. Les élections de 2024 s’annoncent décisives pour la démocratie et la technologie risque de jouer un rôle majeur dans l’équilibre politique mondiale.
Et au Canada?
Depuis que Meta Facebook bloque le contenu des médias canadiens, j’ai l’impression d’avoir une version «Wish» de mon fil alors que l’algorithme me propose du contenu loufoque composé de publications affirmant que la Terre est soi-disant plate ou autres fausses nouvelles. Le blocus imposé par Meta envers les sites d’information est un pied de nez envers la démocratie canadienne, mais c’est surtout un avertissement majeur de la dangerosité des grandes corporations numériques.
Les grands acteurs du numérique ont le pouvoir de faire basculer l’échiquier politique canadien de la même manière que celui de nos voisins du sud. Pierre Poilievre, qui reprend régulièrement la rhétorique de la droite américaine, l’a bien compris! Je ne veux pas comparer le chef conservateur à un Donald Trump canadien, mais sa méfiance envers les médias traditionnels et certaines de ses méthodes sont calquées sur celles de l’ex-président américain. Comme l’Internet est exempt de frontières, les réseaux sociaux et leurs algorithmes se chargent de propager moult théories complotistes au Canada. Si les médias traditionnels ne rayonnent plus sur les réseaux sociaux tandis que la désinformation s’y propage allégrement, j’ai l’impression que la démocratie va en prendre pour son rhume.
L’humanité a prouvé à maintes occasions son incapacité à faire le bien avec les nouvelles technologies, peu importe les époques. Pour ce qui est des réseaux sociaux, ils sont désormais de puissants outils de propagande qui ciblent avec précision leur auditoire de manière convaincante. J’ai honte de la technologie et je ne parle pas ici de l’ordinateur portable d’Hunter Biden!
J'ai honte de la technologie - Le Soleil
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