Titan des secteurs pétroliers et gaziers, la Russie n'est pas en reste du côté de son industrie nucléaire. Mais là où les importations de pétrole ou de gaz russe ont été presque intégralement interdites en Occident suite à l'invasion de l'Ukraine, les compagnies d'Europe ou des États-Unis continuent de commercer avec le poids lourd du nucléaire russe Rosatom.
Derrière cette position paradoxale se trouve un problème majeur pour les pays opposés à Moscou : la mainmise russe sur l'enrichissement de l'uranium rend, encore aujourd'hui, Bruxelles et Washington dépendants des entreprises russes.
L'information peut sembler étrange quand on prend en compte les approvisionnements français d'uranium. Selon Le Monde citant les chiffres transmis par Euratom, le Kazakhstan a fourni 27 % des 88 200 tonnes d'uranium importées par l'Hexagone entre 2012 et 2022, le Niger 20 %, l'Ouzbékistan 19 %, l'Australie et la Namibie 14 % chacun. On atteint ainsi quasiment 95 % avec ces cinq pays, la Russie ne figurant pas parmi les autres exportateurs.
La suite sous cette publicité
Publicité
Publicité
L'uranium enrichi entre les mains de Moscou
Moscou est pourtant bien producteur d'uranium, comptant pour 5 % de la production mondiale en 2022 selon la World Nuclear Association, mais Paris ne dépend pas de la Russie pour l'achat de la ressource. Du côté américain, la moitié de l'uranium utilisé par les centrales nucléaires provient de Russie, du Kazakhstan et d'Ouzbékistan. En 2022, Moscou fournissait 12 % de l'uranium des États-Unis, selon les chiffres de l'Energy Information Administration.
Mais si Paris et Washington ne dépendent pas fortement de la Russie pour l'achat d'uranium, toute l'Europe ne peut pas en dire autant : 18 centrales nucléaires au design russe parsèment la Finlande, la Slovaquie, la Hongrie, et la République tchèque, reposant sur des combustibles achetés auprès de Moscou. Dans le cas slovaque, par exemple, le secteur nucléaire représente 60 % de la production énergétique du pays, et le combustible vient exclusivement de Russie selon Euractiv : une situation dont la Slovaquie cherche à s'extirper, mais qui témoigne de la difficulté pour plusieurs États de se passer de Moscou.
La suite sous cette publicité
Publicité
⋙ Vladimir Poutine prépare-t-il en douce une annexion de l'Alaska ?
Et la situation est tout aussi délicate en ce qui concerne l'enrichissement d'uranium, secteur où la Russie joue un rôle primordial. La compagnie russe Tenex détient par exemple un monopole sur la vente d'High-Assay Low-Enriched Uranium, ou HALEU. Ce terme désigne une variété d'uranium enrichi aux meilleurs rendements et plus sûr, qui est utilisée pour les dernières générations de réacteurs nucléaires. Plus de 20 % du combustible alimentant les centrales américaines est ainsi enrichi par des entreprises russes.
Comme le précise le Financial Times, peu d'alternatives d'enrichissement d'uranium existent actuellement au niveau occidental : les deux grandes firmes concurrentes sont le français Orano ainsi qu'Urenco, un consortium britannique, allemand et néerlandais. Mais les besoins d'uranium enrichi par la Russie se font ressentir durement en Occident : le réacteur en cours de construction dans le Wyoming par TerraPower a annoncé un retard de deux ans pour le projet en décembre 2022, en raison du manque de combustible.
La suite sous cette publicité
Publicité
Publicité
D'importants moyens déployés en Occident
Face à cette dépendance dans un secteur énergétique d'une grande importance, les deux côtés de l'Atlantique se sont mobilisés pour diminuer leurs échanges avec Moscou. Le gouvernement britannique a annoncé l'allocation de 300 millions de livres dans le développement d'HALEU, au sein d'un plan pour que le secteur nucléaire subvienne à un quart des besoins énergétiques du Royaume-Uni d'ici 2050.
Même son de cloche en Hexagone, avec quelque 1,7 milliard d'euros destinés à augmenter de 30 % d'ici 2028 la production de l'usine Georges Besse 2 sur son site du Tricastin, selon l'Usine Nouvelle, qui avance que l'opération vise à répondre à la demande accrue du secteur nucléaire mais aussi à "permettre aux opérateurs de centrales de limiter leur dépendance à Rosatom". Unreco suit également le mouvement, permettant de remplacer une partie des achats effectués auprès de la Russie.
La suite sous cette publicité
Publicité
⋙ Une rarissime pièce d'armure romaine, inspirée des gladiateurs, reconstituée après 1 800 ans
Du côté des États-Unis, le financement du gouvernement a aidé Centrus Energy Corp. à produire 20 kilogrammes d'HALEU, une première en Amérique. Le président Biden a également demandé au congrès américain d'accepter un financement supplémentaire de 2,2 milliards de dollars auprès d'entreprises américaines spécialisées dans cet enrichissement.
Une première loi interdisant les importations d'uranium russe a été votée en décembre 2023 ; mais celle-ci permet dans les faits de continuer d'importer ces produits si aucune alternative n'est disponible.
Selon les informations du Financial Times, le secteur nucléaire américain s'attend cependant à une interdiction complète dès cette année. Une décision difficilement applicable en Union Européenne, la Hongrie ou la Slovaquie continuant à alimenter leurs centrales avec du combustible en provenance de Russie.
La suite sous cette publicité
Publicité
Publicité
Sur le même thème
⋙ Sans aide américaine ni nouvelle stratégie, l'Ukraine perdra la guerre face à la Russie
Comment l'Occident lutte contre la domination russe sur des technologies clés du secteur nucléaire - GEO
Read More
No comments:
Post a Comment