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Friday, January 5, 2024

« S'arrêter au seul apport des technologies pour mesurer la productivité du travail est une erreur d'appréciation » - Le Monde

L’économiste américain Robert Solow, mort le 21 décembre 2023, remarquait, dans ses travaux fondateurs, que les contributions du capital et du travail à la croissance, telles qu’on les mesurait, étaient faibles et laissaient un large « résidu » (le « résidu de Solow »). Attribué au progrès technique, ce résidu constituait surtout, selon lui, la mesure de notre ignorance.

Depuis plusieurs années, en France mais aussi aux Etats-Unis et dans nombre de pays développés, le taux de croissance de la productivité du travail ainsi mesuré a fortement diminué. Déjà dans les années 1980, Solow faisait état du paradoxe suivant lequel les ordinateurs étaient partout, sauf dans les statistiques de la productivité. Pour l’expliquer, les plus optimistes ont évoqué le temps nécessaire à l’apprentissage des nouvelles technologies.

Robert Gordon en a parlé comme d’un phénomène séculaire et d’une rupture avec la période des grandes innovations porteuses d’une croissance exceptionnellement forte. Sans nier l’importance des changements technologiques en cours, il passait en revue ce qu’il dénomme les « vents contraires ». A savoir la diminution des heures travaillées par tête due au vieillissement de la population et au développement du temps partiel, le recul relatif de l’éducation et son coût croissant, le creusement des inégalités des revenus et des patrimoines, le coût de la transition écologique et le poids de la dette publique.

Productivité « apparente »

S’arrêter au seul apport des nouvelles technologies est en effet une erreur d’appréciation. La complexité du problème vient de ce que la mesure de la productivité du travail rend compte, certes, de l’avancée des techniques, mais aussi du mode de fonctionnement de l’économie. Les statisticiens parlent d’ailleurs de productivité « apparente » du travail, pour indiquer que les ajustements de l’emploi et de la production ne sont pas synchrones.

Toute innovation est, comme l’indiquait l’économiste autrichien Joseph Schumpeter (1883-1950), un processus de « destruction créatrice ». Mais destruction et création ne sont ni concomitantes ni instantanées, comme nous l’apprend John Hicks dans Capital and Time (Clarendon Press, 1973, non traduit). Il arrive, le plus souvent, que les coûts de construction des nouvelles capacités de production, y compris les coûts d’acquisition de nouvelles qualifications, soient plus élevés que ceux de l’ancienne capacité.

A ressources constantes, pour un même investissement en coût, la capacité de production finale diminue temporairement, avant que la baisse des coûts d’utilisation des nouvelles capacités de production (qui justifie leur mise en œuvre) ne permette qu’elle augmente de nouveau. Si les salaires réels restent fixes, l’emploi diminue. Si les salaires réels baissent, le chômage est évité, mais la productivité du travail diminue. Généralement, l’emploi et la productivité peuvent donc diminuer, avant que la chute des coûts d’utilisation des nouveaux équipements, choisis parce que plus efficaces, ne permette qu’ils augmentent de nouveau. Cette évolution n’a rien de paradoxal, et la chute éventuellement observée devrait être transitoire.

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