La vente de la multinationale de conseil en ingénierie au suisse Adecco devrait rapporter 650 millions d'euros à son fondateur lyonnais, Maurice Ricci. Un sacré pactole qui va passer sous le nez du Trésor public, alors que dans le même temps, les licenciements se multiplient dans cette entreprise qui emploie 2 500 salariés à Blagnac.
« Ça a été la douche froide, grimace le délégué central CFDT Stéphane Lépine. Selon moi, jusqu’à octobre 2020 Maurice Ricci ne voulait pas vendre. Il a saisi une opportunité dans une situation difficile, après le lancement du PSE [plan de sauvegarde de l’emploi] ». Pour son homologue de la CFE-CGC David Fazi, « la seule surprise, c’est le nom de l’entreprise. Le reste, on l’avait deviné. Il a pressé la boîte comme un citron depuis 2018 avec le plan « Clear 2022 » pour en tirer le maximum de dividendes à la fin. Le Covid et les difficultés avec Airbus et Renault ont accéléré les choses. »
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Pas un centime pour le Trésor public
Sur les 2 milliards d’euros, Maurice Ricci, fondateur et actionnaire principal (30,27%), devrait toucher directement 520 millions d’euros. Complétés par des actions du groupe Adecco pour l’équivalent de 86,4 millions d’euros, selon nos calculs. Plus environ 28 millions d’euros, issus du rachat simultané par Adecco d’une holding luxembourgeoise (Valentine Finance SARL) possédant une partie de l’immobilier d’Akka en Europe ou Afrique du Nord (mais pas ceux de la ZAC Andromède à Blagnac). Plusieurs dizaines de millions d’euros échapperont ainsi au Trésor public français, car Maurice Ricci est domicilié fiscalement depuis fin 2012 en Belgique, comme Mediacités l’avait détaillé en juillet. À 60 ans, la retraite dorée de ce Lyonnais d’origine s’y fera en effet sans imposition mobilière ou immobilière sur les plus-values, alors que les taux atteignent respectivement 33 % et 19 % (avant barème progressif et abattements) en France, depuis 2018.
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Pour tenir occupé le futur retraité, un poste de « conseiller spécial » auprès du PDG d’Addeco à l’émolument non précisé, lui est confié. Son service communication n’a répondu à aucune de nos nombreuses sollicitations. « Maurice Ricci n’est ni un financier ni un énarque ni un enfant de chœur, mais un ancien ingénieur devenu un capitaine d’industrie très dur... qui ne sera plus aux commandes. Après avoir grandi en rachetant d’autres, il est racheté à son tour », pointe Stéphane Lépine, de la CFDT. Son frère Jean-Franck Ricci, 52 ans, directeur général d’Akka depuis 1988, va présider la nouvelle entité résultant de la fusion avec Modis. Dans la transaction, le cadet, résidant lui aussi à Ixelles, en banlieue de Bruxelles, devrait empocher l’équivalent de 91,2 millions euros, toujours son nos calculs.
Plainte en Suisse et aux États-Unis
Le montant de la transaction interroge. 2 milliards d’euros alors que la valorisation boursière d’Akka était au plus fort de 1,3 milliard d’euros, avant la crise. À cause de sa dépendance à au deux tiers à l’aéronautique et à l’automobile (80 % de l’activité de Blagnac est liée à Airbus), son action a dégringolé de 60 à 15 euros entre la mi-février et le 28 septembre 2020. Elle est remontée péniblement à 25 euros en juillet dernier. Adecco effectue pourtant son OPA à 49 euros par action soit un gain immédiat de 88 %.
Les analystes financiers se divisent : les uns évoquant des bénéfices potentiels forts sur un secteur porteur, les autres le passif d’Adecco dans les fusions. Son PDG Alain Dehaze, justifie « un investissement convaincant dans une activité à plus forte croissance et à plus forte marge » pour « deux entreprises qui se complètent fortement ». Sa filiale Modis s’avère, il est vrai, peu présente en France (et complètement absente en Occitanie) ou aux États-Unis, soit la moitié de l’activité d’Akka. Elle pèsera désormais 50 000 salariés, orientés sur les « usines intelligentes » et autres « voitures intelligentes » avec une projection de 40 % d’activité dans les transports et de 15 % dans le logiciel et le numérique. « Je crois que c’est l’évidence de cette complémentarité internationale qui a provoqué ce montant-là. Même si cela nous dépasse un peu », abonde une source interne.
Un petit actionnaire, Jean-Marie Kuhn, a tenté d’intenter une action en justice en Suisse – sa plainte a finalement été jugée irrecevable – avant d’en faire de même aux États-Unis, fin septembre. « Une prime de l’ordre de 100 % sur une OPA, c’est du jamais vu », avance celui qui se présente comme un « lanceur d’alerte » en liant cette vente en 2021 à l’arrivée en 2020 d’un fonds belge de Frère (CNP) au capital d’Akka (21,36 %) et même au déménagement de son siège à Bruxelles en 2018. « Dans la mesure où la famille Frère investit pour 150 millions d’euros, le retour sur un investissement devait se faire à court terme », relève pour sa part Stéphane Lépine, délégué syndical CGT.
Le plus dur reste à venir plus pour les salariés d’Akka déjà rincés par une année de tensions sociales. Les premiers courriers de licenciements du PSE sont arrivés dans les boîtes aux lettres. Trois des principaux DRH (groupe, France et « de transition ») ont été débarqués en début d’année. « Il y a eu un changement d’approche managériale vis-à-vis des salariés. Aujourd’hui, la moindre erreur est sanctionnée par une tentative de licenciement pour faute grave. Il y a une dureté plus remarquable qu’avant », s’alarme Stéphane Lépine de la CFDT. « D’un point de vue social, c’est devenu n’importe quoi » ajoute le syndicaliste. En urgence et finalement sans négocier , la direction se lance depuis la rentrée dans l’organisation d’élections, qui se tiendront à priori en mars 2002. De quoi (enfin) se doter d’un comité social et économique (CSE), alors que des bisbilles syndicales autour de FO jusque devant les tribunaux le retarde depuis trois ans.
Comment vont fusionner ensuite les deux ensembles, Akka et Modis ? Quelle stratégie managériale va prendre le dessus, alors que les instances représentatives du personnel (IRP) diffèrent ? « On peut espérer du mieux si Akka s’aligne sur Modis. Si c’est l’inverse, je plains les salariés » scinde David Fazi, délégué central CFE-CGC. Sans se faire d’illusion : « En général, la nouvelle direction supprime les doublons rapidement, dès l’année d’acquisition, pour rassurer les actionnaires ».
Mégavente d'Akka Technologies : jackpot pour son PDG, incertitudes pour ses salariés - Mediacités
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