RECIF Technologies, spécialiste des robots dédiés à la manipulation de semi-conducteurs, peut désormais compter sur le fonds Yotta Capital pour accompagner son développement, notamment pour répondre au marché européen de la micro-électronique. Poussé par les instances européennes, il pourrait en effet progresser rapidement dans les prochaines années. Alain Jarre, PDG de RECIF Technologies, nous livre sa vision du secteur, et pointe les prochains défis technologiques à relever.
Industrie & Technologies : Le fonds Yotta Capital, dédié aux technologies de l’industrie du futur, a récemment annoncé avoir pris une participation majoritaire dans RECIF Technologies. Qu’attendez-vous de cette arrivée à votre capital ?
Alain Jarre : Cela va être un vrai tremplin pour notre société. Yotta arrive à un moment charnière pour le secteur de la microélectronique européenne et nos robots manipulateurs de wafers en silicium vont jouer un rôle important. Avec l’arrivée de Yotta : nous allons pouvoir bénéficier de leurs compétences dans le domaine des semiconducteurs. C’est un domaine qu’ils maîtrisent et ils ont déjà des investissements dans ce domaine. Nous pourrons bénéficier de certaines synergies et de partages de compétences. Nous allons gagner en visibilité et Yotta Capital va également nous soutenir pour d’éventuelles opérations de croissance externe. Bref, cela va nous permettre de nous adapter et de répondre aux prochaines évolutions du marché.
Pourquoi dites-vous que l’Europe est à un moment clé dans le domaine de la microélectronique ?
Les récentes pénuries dans le domaine de puces électroniques a permis de déciller les yeux des responsables économiques : l’industrie européenne pèche dans le domaine de la microélectronique avancée, en particulier sur les puces gravées en dessous des 10 nanomètres. Pourtant, nous avons besoin de puces dans toutes nos applications, ce qui nous rend fragiles et très dépendants des fondeurs étrangers. C’est un marché sur lequel nos robots excellent mais, pour vous donner un ordre d’idées, nous réalisons 90% de notre chiffre d’affaires en Asie et seulement 3% en Europe. Les 7% restants proviennent du marché nord-américain.
Mais l’Europe s’organise pour rattraper ce retard : en juillet 2021, la Commission européenne a lancé « l'alliance pour les processeurs et les technologies de semi-conducteurs ». Elle vise à améliorer la capacité de gravure sur Vieux Continent, en la faisant passer de 16 nm à 10 nm, mais également en visant des gravures de 5, 3 et 2 nm pour anticiper de futurs besoins. Le marché de l’électronique s’annonce très dynamique dans les prochaines années. Nous prévoyons de multiplier par 10 la part de notre chiffre d’affaires réalisée en Europe. Elle pourrait atteindre 30 % d’ici 3 à 5 ans.
Pourquoi faut-il davantage d’automatisation lorsque la gravure est fine ?
L’automatisation est un élément clé dans la production de ces puces. La manipulation des wafers en silicium est très délicate, car il faut être très vigilant lorsqu'on manipule les plaques entre les différentes étapes physico-chimiques de la lithographie. Il faut un suivi précis des wafers, avec le moins d’interaction possible avec l’environnement. Il faut comprendre que plus la gravure est fine, plus les problèmes peuvent être importants si des poussière ou des dépôts venaient à se former sur la plaque de silicium. Nos machines font parties des rares appareils habilités à toucher les wafers. On a une contrainte d’ultra propreté, et aussi d’ultra compacité pour pouvoir être intégré dans une salle blanche où le mètre carré est particulièrement coûteux.
Comment organisez-vous votre R&D pour répondre aux attentes du secteur ?
Nous réinvestissons 15% de chiffre d’affaires dans notre recherche et développement. Par ailleurs, nous participons activement aux programmes européens tels que H2020 qui s’est récemment terminé, Horizon Europe ou encore l’initiative Ecsel Joint Undertaking. Ce dernier est un partenariat public/privé dont les objectifs sont fixés par les partenaires du projet, contrairement aux programmes Horizon. Ces programmes ont de véritables avantages pour nous comme une plus grande visibilité auprès de partenaires, ainsi qu’une roadmap commune pour la filière. Ces programmes nous permettent également une meilleure gestion des risques technologiques et financiers : si l’on se trompe, les coûts sont partagés. L’Europe possède un écosystème riche en microélectronique que nous pouvons faire fructifier.
Quels sont actuellement vos axes de recherches ?
Nous avons deux voies en matière de R&D : la première peut être qualifiée de « More Moore », en référence au fameux axiome formulé par Gordon Moore en 1965 qui prévoyait un doublement chaque année de la complexité des semi-conducteurs. L’objectif est alors d’apporter des solutions pour permettre des gravures de plus en plus fines. L’autre voie est celle appelée malicieusement « More than Moore », où l’on combine des puces entre elles, en faisant du « stacking » 3D et en intégrant de la mémoire, pour augmenter la capacité de traitement. Nous sommes sur ces deux technologies. Nous avons mis au point une plateforme robotisée polyvalente, appelée SMART, qui nous permet d’ajuster rapidement la machine en fonction des besoins de nos clients. Pas besoin de tout reprendre à zéro, notre innovation est incrémentale.
Semi-conducteurs : « Dans les prochaines années, nous allons multiplier par 10 la part de notre chiffre d'affaires réalisée en Europe », pointe Alain Jarre PDG de RECIF Technologies - Industrie et Technologies
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