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Friday, December 10, 2021

Les “civic tech”, technologies civiques en bon français : on pèse le pour et le contre - L'Indépendant

Les technologies “civiques” constituent une réponse à la crise démocratique. Voici un "pour et contre", pour se faire une opinion sur cette “démocratie” numérique, une toile de plus en plus vaste, dans laquelle il est difficile de se retrouver. 

Les arguments “pour”.

Renouer le dialogue entre citoyens et élus, au-delà des scrutins et des campagnes électorales, en permettant aux premiers d’interpeller directement les seconds. Permettre à chacun de dire son mot au sujet de politiques publiques élaborées par certains. Ce sont les principales vertus de ces “technologies civiques”. Clément Mabi, maître de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’UTC de Compiègne, évoque ainsi l’émergence d’un “lobby citoyen”, un contre-pouvoir via le web.

Exemple le plus connu : change.org, et ses pétitions en ligne. Mais aussi parlement et citoyens (où l’on discute d’amendements à des projets de loi), ou nosdéputés.fr, “observatoire de l’activité parlementaire”. Gare aux élus qui s’endorment… Le même spécialiste évoque les outils qui construisent une “démocratie 2.0”, par lesquels les citoyens sont invités à participer à la vie collective. Leur vie. Cela va des outils de signalement utilisés dans les villes (nous vous en avions parlé ici) aux plateformes de débat, conventions et autres budgets participatifs. Autre utilité, non des moindres : la transparence des données publiques. Elle est désormais obligatoire pour les collectivités de plus de 3500 habitants et 50 agents. Mais les portails “d’open data” sont souvent fermés à l’entendement. Des outils numériques (ex : regardscitoyens.org) permettent de les traduire en langage courant.

Les arguments “contre”.

Écoutons à nouveau Clément Mabi, selon lequel “ il est pour le moment difficile de mesurer la portée démocratique de ces initiatives”. Premier écueil, qui nous parle par ici : la fracture numérique, et les risques d’exclusion de citoyens coupés, de fait, de cette participation 2.0. Quelle représentativité, dès lors ? À l’opposé, comment faire le tri parmi les multiples contributions ? Le spécialiste évoque aussi les dangers d’un “civic washing” : ces outils d’innovation démocratique peuvent être instrumentalisés. Présentés comme un progrès, ils sont susceptibles d’être l’arbre qui cache une forêt de régressions, ou stagnation. Un alibi en somme.

Autre écueil, “le risque de piratage”, avec “des formes de manipulation des résultats problématiques et difficiles à détecter”. On peut aussi parler du modèle économique des civic tech, “encore fragile”. Face à la recherche d’équilibre financier, difficile de rester indépendant. Reste la protection des données. La CNIL (*) , gardienne de ces dernières, a dressé en 2019 un panorama des “civic tech”, et émis un certain nombre de recommandations, en faveur d’un code de bonne conduite. Parce que « les technologies civiques ne sont pas neutres », l’instance invite les acteurs à penser des outils respectueux de la vie privée « dès leur conception ».

(*) CNIL : Commission nationale de l'informatique et des libertés

Les civic tech, qu’est-ce que c’est, où en est-on ?

Civic tech. De l’anglo-saxon “civic technology”. En bon français : technologies civiques, ou citoyennes. Il s’agit de l’ensemble des outils numériques qui permettent d’améliorer le fonctionnement de la démocratie, en développant le pouvoir d’agir des citoyens. On pourrait ajouter les “pol tech” - les technologies à visée électorale - et les gov tech - les outils mis en place par les gouvernements pour améliorer le fonctionnement et la transparence des politiques publiques. Les civic tech prennent de multiples formes, autorisées par Internet : applications mobiles, plateformes participatives, outils de signalement, consultations en ligne... 

Difficile de s’y retrouver, en vérité, mais une chose est sûre : en France, le “marché” est en pleine croissance. Les élections présidentielles et législatives de 2017 lui ont donné un coup de fouet, accentué lors des municipales de 2020, conforté par un contexte de crise sanitaire qui questionne. Afin d’en cerner les contours, aider collectivités et citoyens à s’y retrouver, un “observatoire des civic tech et de la démocratie numérique” a été créé en septembre 2018 par le think tank “Décider ensemble”. Il publie notamment un baromètre. Le site alloweb propose un annuaire des startups qui œuvrent dans ce domaine en France. 27 sont recensées.

A lire aussi dans notre dossier "Comment réparer la démocratie ?"

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