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Thursday, June 30, 2022

La transition technologique des vignobles contrariée par les aléas climatiques - La Tribune Bordeaux

"2022 est la quatrième année consécutive où nous avons du gel ou de la grêle dans le bordelais. La viticulture souffre et ça l'empêche d'investir." A l'image des mots de Christophe Héraud, enseignant au lycée agricole de Blanquefort en Gironde, la profession se trouve dans deux moments délicats et antagonistes. Alors que les vignobles doivent engager les investissements nécessaires aux transitions environnementales, ces mêmes crises climatiques successives les en empêchent.

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Quelques jours après un énième épisode de grêle qui vient de ravager 10 % des vignes du bordelais entre l'ouest et le nord de Bordeaux (lire encadré), les acteurs de la filière étaient justement réunis ce 28 juin au château Luchey-Halde de Mérignac. Poour découvrir une vitrine des innovations technologiques qui doivent les aider dans ce processus, le DigiLab, composante de Bordeaux Sciences Agro dédiée à la recherche et l'innovation et principal organisateur, a réunit plus de 200 participants pour découvrir une quarantaine d'innovations.

Générer et utiliser des données

Les viticulteurs ont pour priorité de gérer cette crise qui, à très court terme, constitue un nouveau coup dur pour leur activité en plus des épisodes de canicule et de gel. La conjoncture n'est pas favorable à leurs trésoreries et les esprits ne sont pas vers les investissements dans l'innovation.

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Mais les promoteurs des nouvelles technologies agricoles font valoir que cette mobilisation de l'instant doit aller de pair avec une vision et des investissements à plus long terme. Surtout quand les exploitations veulent s'orienter vers des certifications environnementales. "Obligatoirement, les exploitants vont devoir générer des données et des enregistrements pour prouver qu'ils répondent au cahier des charges demandé", pointe Christophe Héraud. Les labels environnementaux signifient bien une plus grande rigueur dans les suivis de production et engendrent ainsi un recours à des technologies nouvelles.

Les technologies tâtonnent sur les produits de biocontrôle

Une quarantaine d'innovations ont donc été présentées dans les rangs de vigne du château Luchey-Halde : stations météo connectées, robots laboureurs, drones, applications cartographiques, détecteurs de maladie basés sur l'IA ou encore outils de réduction des traitements phytosanitaires. Signe d'un marché en pleine émergence, chaque société développe une innovation précise et la plupart démarrent à peine la commercialisation. Greenshield par exemple, qui développe une caméra bientôt capable de détecter les maladies de la vigne et un outil de référencement des aléas subis sur chaque pied, veut aider les viticulteurs à connaître les effets des produits de biocontrôle sur les cultures pour pouvoir adapter leur utilisation. Mais la startup de l'agritech est encore pleine d'incertitudes tant ce champ, lié aux pratiques des certifications environnementales (biologique, HVE...), demeure peu exploré. "On a du mal à connaître et comprendre tous les effets des traitements. Les biocontrôles sont encore une zone grise, on sent qu'il n'y a pas d'outils ou de méthode standardisée", évoque Matthieu Plonquet, manager produit pour Greenshield.

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Pour agréger des données et adapter leurs outils dans ce champ encore émergent, les startups préfèrent donc coopérer que de se lancer dans une guerre concurrentielle. Elles sont pourtant de plus en plus nombreuses puisque la demande des agriculteurs aspirant à la transition environnementale va aller en s'accroissant. Greenshield combine les données météo d'une autre startup pour proposer une technologie plus complète aux viticulteurs. Ces derniers doivent désormais manipuler une série d'outils, parfois complexes, pour appréhender tous les risques et adapter les réponses afin de mener à bien leurs cultures. Le vieux refrain de "l'innovation nous sauvera" est désormais joué en boucle dans les vignobles.

Robot à 200.000 euros

Fervent pourfendeur du modèle agricole actuel, et lui-même agriculteur en agroécologie installé en Charente-Maritime, l'eurodéputé EELV Benoit Biteau refuse de croire à cette quête technologique libératrice.

"Je mets toujours des subtilités entre l'innovation et le progrès. Il faut veiller à ce que les innovations proposées soient des vrais vecteurs de progrès. On doit avoir une forme d'évaluation de ce qu'apportent ces avancées technologiques par le prisme de l'intérêt commun et pas seulement par rapport au geste de la production", indique-t-il à La Tribune.

Dans les unités de recherche, on fait valoir que l'innovation na va pas seulement être un passage obligé pour les démarches environnementales. "La technologie est là pour répondre à beaucoup d'enjeux, environnementaux mais pas uniquement. C'est aussi pour faire face à la pénurie de main d'œuvre", montre Pauline Jouzier, ingénieure en technologies numériques au DigiLab. L'observatrice des innovations agricoles reconnaît que l'intégration des technologies constitue une épreuve pour les agriculteurs, tant d'un point de vue humain que financier. "Elles coutent très chères, certaines ne sont même qu'à la portée des grands châteaux", énonce-t-elle alors qu'un robot laboureur, affiché 200.000 euros pièce, parcourt les rangs de vigne à quelques mètres de là.

robot innovation viticulture

Le Robot Bakus développé par Vitibot est capable de labourer les rangs de vigne de façon autonome. (Crédits : MG / La Tribune)

Du courage face à la technologie

Selon le programme Vitirev, feuille de route de l'agriculture en Nouvelle-Aquitaine, toutes les exploitations devront être engagées dans des démarches de certifications environnementales plus ou moins contraignantes d'ici 2030. Une transition nécessaire, bien que jugée encore insuffisante par les associations environnementales, mais qui pourrait déjà se voir réduite par la répétition des crises climatiques.

Un appui financier spécifique, nommé Plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles, est prévu par les chambres d'agriculture pour aider les agriculteurs à mener les investissements nécessaires à la transition. En Gironde, il passe notamment par un volet dédié à l'adaptation au changement climatique en arboriculture et viticulture, en priorité sur le gel et la grêle. Une première réponse pour rassurer la profession avant d'envisager la suite. Pauline Jouzier le reconnaît : "Il faut beaucoup de courage pour se convertir au bio ou aux labels environnementaux. Mais il en faut encore plus pour intégrer les technologies." Autrement dit, les transitions attendues ne se feront pas de façon naturelle.

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