« Le premier homme a reçu un implant de Neuralink hier, et se remet bien. Les premiers résultats montrent une détection prometteuse des pics neuronaux », a tweeté lundi Elon Musk. Le multimilliardaire est cofondateur de la start-up Neuralink, dont l’ambition est de « créer une interface cérébrale généralisée pour redonner de l’autonomie aux personnes dont les besoins médicaux ne sont pas satisfaits aujourd’hui et libérer le potentiel humain demain ».
« Le premier produit Neuralink est appelé Télépathie. Il permet de contrôler votre téléphone ou votre ordinateur, et via eux, presque tous les appareils, simplement en pensant. Les premiers utilisateurs seront ceux qui ont perdu l’usage de leurs membres », a ajouté Elon Musk sur X (ex-Twitter) mardi.
De quoi s’agit-il ?
Sur son site, Neuralink explique proposer un « ordinateur de cerveau totalement implantable, cosmétiquement invisible et désigné pour vous laisser contrôler un ordinateur ou un mobile où que vous soyez ». Concrètement, il s’agit d’un implant, nommé N1, « alimenté par une petite batterie chargée sans fil depuis l’extérieur via un chargeur inductif compact qui permet une utilisation facile depuis n’importe quel endroit ». Il enregistre l’activité neuronale grâce à « 1 024 électrodes réparties sur 64 fils, chacun plus fin qu’un cheveu humain », vante l’entreprise.
Cet implant est inséré dans la région du cerveau qui contrôle l’intention du mouvement par le « robot chirurgical » de Neuralink, R1, « conçu pour insérer de manière fiable et efficace ces fils exactement là où ils doivent l’être ».
Comment ça marche ?
Une fois en place, l’implant enregistre et transmet sans fil les signaux cérébraux à une application qui décode les données en actions et intentions de mouvement. Cela se fait grâce à des « puces et composants électroniques avancés, personnalisés et à faible consommation », à en croire le descriptif de Neuralink.
Quels objectifs ?
La fonctionnalité initiale de cet implant est de « permettre aux personnes paralysées de contrôler des dispositifs externes par la pensée ». Dans le détail, l’implant doit « donner aux gens la capacité de contrôler le curseur ou le clavier d’un ordinateur par la seule force de la pensée ». « Imaginez si Stephen Hawking pouvait communiquer plus rapidement qu’un dactylographe ou un commissaire-priseur. C’est le but », a ainsi écrit sur X, Elon Musk, prenant pour exemple une célébrité (décédée en 2018) souffrant d’une maladie dégénérative.
Mais le multimillionnaire ne cache pas son ambition de proposer à terme son implant à tous, et de contenir ainsi « le risque civilisationnel » de l’intelligence artificielle. Son entreprise assure ainsi que « l’interface cerveau-ordinateur a le potentiel de changer la vie pour le meilleur. Nous voulons amener cette technologie du laboratoire chez les gens ».
Que sait-on du premier patient ?
L’identité du premier patient à avoir reçu un implant cérébral Neuralink n’a pas été dévoilée. Mais les conditions d’éligibilité à l’essai clinique permettent d’en savoir plus. Neuralink recherchaient en effet des personnes atteintes de quadriplégie (fonction limitée dans les quatre membres) dues à une lésion de la moelle épinière ou à une sclérose latérale amyotrophique étant au moins un an après la blessure, sans amélioration. Le patient devait être âgé d’au moins 22 ans et avoir un soignant « constant et fiable ». Les personnes ayant un dispositif implanté actif (stimulateur cardiaque ou cérébral), ceux ayant des antécédents d’épilepsie, besoin d’une IRM en raison d’un problème médical permanent et recevant un traitement de stimulation magnétique transcrânienne était exclu de la recherche.
Le patient sera suivi pendant six ans. Les experts de Neuralink suivront ses progrès et s’assureront que l’implant continue de fonctionner comme prévu. Lors de la phase primaire de l’étude, qui durera 18 mois, le patient devra participer à des séances de recherche, « avec un engagement minimum de deux séances par semaine à raison d’une heure par séance ». Au moins neuf visites à domicile et en clinique se dérouleront sur cette période. Cette phase primaire sera suivie d’un suivi à long terme, qui durera cinq ans et comportera 20 visites.
Quels sont les risques ?
Ce premier implant cérébral posé sur un patient représente « une étape importante » pour l’entreprise. Mais cette avancée n’était pas acquise. En mars 2023, l’Agence fédérale américaine des produits alimentaires et médicamenteux (FDA) n’avait pas autorisé l’entreprise à effectuer des essais cliniques sur l’homme. Selon l’agence de presse Reuters, qui a interrogé des employés de l’entreprise, la FDA avait exprimé ses préoccupations sur plusieurs points, notamment « la batterie au lithium du dispositif, la possibilité que les minuscules fils de l’implant migrent vers d’autres zones du cerveau et les questions de savoir si et comment le dispositif peut être retiré sans endommager les tissus cérébraux ».
La FDA a finalement donné son autorisation fin mai 2023. Une décision qui n’a pas convaincu le Comité des praticiens pour une médecine responsable (PRCM - rassemble 17 000 praticiens américains), qui insiste dans un communiqué sur le fait que « le public doit rester sceptique quant à la sécurité et à la fonctionnalité de tout dispositif produit par Neuralink ».
Ce comité avait déposé des plaintes, en 2021 et en février 2022, contre l’Université de Californie - Davis qui abritait les expériences de Neuralink pour « violations de la loi fédérale sur le bien-être des animaux ». « La plupart des animaux ont subi une ablation partielle du crâne afin d’implanter des électrodes dans leur cerveau dans le cadre du développement par Neuralink d’une interface cerveau-machine », rapportait le Comité. Il dénonçait également « des traumatismes faciaux », des « crises d‘épilepsie à la suite d’implants cérébraux » et des « infections récurrentes au niveau des sites d’implantation » sur les singes ayant participé à l’expérimentation.
Neuralink s’était défendu en février 2022, assurant que « les animaux hébergés à l’UC Davis dans le cadre du projet de Neuralink n’ont jamais subi de telles blessures ». L’entreprise reconnaissait toutefois avoir dû euthanasier plusieurs animaux sur « avis médical du personnel vétérinaire de l’UC Davis ». « Ces raisons comprenaient une complication chirurgicale impliquant l’utilisation du produit approuvé par la FDA (BioGlue), le détachement du matériel de connexion d’un implant et quatre infections suspectées, un risque inhérent à tout dispositif médical percutant », détaillait Neuralink.
Le Comité des médecins avait également obtenu des documents révélant que des employés de Neuralink avaient transporté des dispositifs « contaminés » retirés du cerveau des singes « infectés » sans les emballer de manière sûre. Cela avait conduit le département des transports américain à ouvrir une enquête sur une possible violation des lois fédérales sur les matières dangereuses. Cette enquête a conduit le ministère à condamner Neuralink à une amende de 2 480 dollars, a révélé l’agence Reuters le 26 janvier dernier. Pas de quoi stopper Neuralink qui a « accepté de résoudre les problèmes », selon l’agence fédérale. Deux jours après cette amende, elle installait pour la première fois son implant sur un humain.
Technologies. Cinq questions pour comprendre le premier implant cérébral Neuralink d'Elon Musk - Le Dauphiné Libéré
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