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Monday, January 24, 2022

Technologies et sobriété, le plan du Shift Project pour décarboner l'industrie française - L'Usine Nouvelle

Edition du 28 janvier 2022

« Il faut faire advenir dès aujourd’hui les technologies de rupture, en restant à la fois ambitieux et réalistes, donc sans parier sur des solutions miracles », résume Maxime Efoui-Hess. Pour le coordinateur industrie du Shift Project, le constat est clair : « Il y aura une part inévitable de sobriété » pour diminuer les émissions carbone de l’industrie. Une leçon tirée du plan esquissé par le think-tank écolo pour décarboner l’industrie lourde française (en particulier la chimie, l’acier et le béton) et présenté le jeudi 20 janvier.

Au fil de trois rapports (un premier généraliste, et deux détaillant les cas de la chimie et du béton), l’institut propose une feuille de route pour rendre l’industrie compatible avec l’Accord de Paris – qui vise à maintenir le réchauffement climatique « bien en dessous de 2°C » – mais « sans la saborder ». Ce travail, étape du plan de transformation globale de l’économie française que le think-tank doit présenter début février, souligne le caractère indispensable de l’industrie pour verdir les autres secteurs, tout en chiffrant qu’il sera très difficile de la décarboner sans toucher à la production.

VOS INDICES

Focus sur l'industrie lourde

Originalité : le Shift Project est parti des plans de décarbonation déposés par les filières concernées dans le cadre du Conseil national de l’industrie (CNI), qu’il a projetés jusqu’en 2050, en prenant en compte les besoins futurs des autres secteurs et en mettant en regard leurs prévisions technologiques avec les dernières évaluations d’experts disponibles. Une méthode hybride, loin des équations économiques habituellement utilisées, mais qui permet de « jouer le jeu des feuilles de route industrielles, qui parient sur la technologie avant tout, pour voir ce qu’elles impliquent en pratique », défend Maxime Efoui-Hess. Qu’il s’agisse d’estimer l’énergie nécessaire en 2050 ou de pointer des incompatibilités entre les promesses et la réalité physique.

Selon le Shift Project, l’industrie représente un cinquième des émissions de carbone sur le territoire français, auxquelles pourraient s’ajouter 11% d'émissions supplémentaires générés par l’industrie de l’énergie. Cela représente l'équivalent de 95,4 millions de tonnes de CO2, réparties entre la consommation d’énergie de l’industrie (54%) et les émissions directement issues de procédés industriels (46%).

Comme les grosses usines de l’industrie lourde (chimie, sidérurgie et béton) sont, de loin, les plus polluantes, le think-tank oriente ses efforts d'analyse sur ces dernières. « Les émissions sont très concentrées : une vingtaine de sites en France représentent la moitié du total des émissions », justifie le co-rédacteur du rapport Eric Bergé, un ancien de l’industrie du ciment et de la chimie. Parmi les gros poissons : « La sidérurgie possède deux gros sites, à Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône) et Dunkerque (Nord), tandis que dans la chimie, on compte six vapocraqueurs dédiés au plastique et quatre usines d’ammoniac ».

Vision optimiste

Une fois les cibles identifiées, que faire ? « La contrainte carbone sur le climat impose aujourd’hui de réduire les émissions de 5% par an, soit 80% en 30 ans », rappelle Maxime Efoui-Hess. D’où un plan qui combine des briques déjà disponibles (40% du chemin), des technologies de rupture (40% supplémentaires), et une nécessaire sobriété (20% restants). Un programme optimiste, « volontairement technophile, qui utilise tous les leviers à disposition », reconnaît Eric Bergé. Il peut s'agir de remettre à niveau les installations existantes et de favoriser les économies d’énergie (ce qui pourrait représenter plus de la moitié du travail à faire dans le ciment), ou de favoriser l’émergence et l’adoption de technologies de rupture.

Réduction directe du fer dans l’acier, nouveaux clinkers pour les ciments, vapocraqueurs électriques et utilisation d’hydrogène vert pour produire de l’ammoniac du côté de la chimie… A l’image de tous les plans de décarbonation, le dossier du Shift Project affiche une liste à la Prévert des technologies disponibles et de leur potentiel. « Il faut créer dès aujourd’hui les conditions pour favoriser ces leviers et les rendre rentables », prévient Eric Bergé, en listant l’ajustement du carbone aux frontières, la disponibilité d’électricité décarbonée non-intermittente et la mise en place de normes d’application (sur le modèle de la RE 2020 dans le bâtiment), comme autant de conditions nécessaires.

Sobriété incontournable, mais variable

Résultat des courses : « La contrainte carbone impose de faire davantage, donc de baisser les volumes de production », calcule Maxime Efoui-Hess. Ni les technologies diminuant les émissions, ni le captage de carbone au sein des fumées (CCUS), pourtant « souvent vu comme la solution miracle pour réduire les émissions restantes de l’industrie » rappelle l'ingénieur, ne suffiront à atteindre la cible. En reprenant à son compte une étude de l’Ademe qui considère la maturité technologique des procédés, la localisation des usines et les sites de stockage potentiel du gaz capté – le think-tank estime que 7 millions de tonnes de CO2 pourraient être capturées chaque année en 2050. L’équivalent de 15% de l’effort pour l’industrie lourde. Bien moins si l’on prend en compte l’industrie manufacturière.

Problème supplémentaire : « Nous présentons le potentiel de rupture maximal, prévient Maxime Efoui-Hess. Bien sûr, les données et les technologies peuvent évoluer et l'on peut parier sur une évolution plus rapide. Mais dans le sens inverse, si une technologie sur laquelle nous comptons n’advient pas, son absence devra être compensée par davantage de sobriété ».

Le programme du Shift, dont l’une des faiblesses est de ne pas comptabiliser les émissions issues de produits importés, propose plusieurs secteurs cibles, en tête desquels la diminution des engrais azotés de synthèse et l’élimination des emballages plastiques. Une proposition cohérente avec le reste du programme mis sur pied par le think-tank, qui vient s’additionner à une longue liste de scénarios récents pour atteindre la neutralité carbone. Des Futurs énergétiques variés détaillés par RTE aux scénarios de Transition(s) 2050 esquissés du côté de l’Ademe, l'éventail des choix est large. Mais tous montrent que des arbitrages seront nécessaires.

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